Critique de livres, romans, nouvelles, récits.
Écrire est un acte d'amour. S'il ne l'est pas, il n'est qu'écriture. Jean Cocteau
mercredi 26 décembre 2007
Des voix et des pieds
Combien émouvant et drôle que ce premier roman signé Roderick McGillis. À partir d'un fait divers, l'auteur concocte une histoire étonnante ; elle sert de prétexte pour plusieurs personnages, hauts en couleur, à ressasser des sentiments mêlés de tendresse, d'affliction, de haine qu'ils ressentent pour la vie sordide que leur offrent deux villages - Jason's Falls et Atoronto - séparés par une voie de chemin de fer. Dans chacun d'eux, une bande de jeunes y fait la loi et il est risqué de franchir cette frontière illusoire. Cela se passe en Ontario à la fin des années cinquante, cela pourrait se passer dans n'importe quels villages de ces années transitoires entre un ancien et un nouveau monde qui nous échappe un peu, d'où l'universalité du thème.
Un jour, à Jason's Falls, arrivera un incident qui éveillera toutes les voix - consciences? - des deux villages, abruties par la banalité désespérée du quotidien. Un adolescent, Stephen, volera la voiture de Gary Bettman, qui avait laissé tourner le moteur. Comme le dit Mike qui ne veut que «quelques cents pour le vin», «la voiture s'est arrachée dans un nuage de poussière jusqu'au delà du terrain de base-ball et de l'église.» Dans son élan de rébellion, Stephen entraînera avec lui Sally, la sœur de Jerry, «le chef des Rangers», la bande rivale de celle de Stephen. Mais pendant que tous se posent des questions sur l'acte du jeune homme - le vol de la voiture et l'enlèvement consentant de Sally, ce que chacun ignore -, une deuxième voiture carbonisée sera retrouvée près de Kingston avec deux corps à l'intérieur, impossibles à identifier. Comme le véhicule a été volé à Jason's Falls, les villageois en concluent hâtivement que les passagers ne sont autres que Stephen et Sally.
Pendant que les voix s'unissent en une polyphonie discordante et acerbe, celles de Stephen et de Sally nous renseignent sur leur périple ; ils ne savent pas très bien où ils iront. Stephen décide à tout hasard que la première étape en sera Toronto. Dans les villages inertes, sur le point de mourir, qui ne rêve pas de la grande ville inconnue comme d'une issue de secours, voire d'un paradis terrestre ? Les deux adolescents, qui ont la vie devant eux, profitent de cette escapade audacieuse pour s'immiscer dans une ville rêvée mais aussi dans ses sournois engrenages. Sally, belle jeune fille moderne, attirera quelques personnages pervers - Mitch et Glenn - mais aussi un couple lequel se contente «d'observer les lis des champs» - Byron et Claire - qui leur viendra en aide. Ils feront aussi la connaissance d'un étrange bonhomme - Gerry Moore, «tout le monde l'appelait Dinty» - «qui sait tout des pieds et des chaussures.» À Toronto, ils trouveront un travail occasionnel jusqu'au jour où Sally fera part à Stephen de son désir de partir dans l'Ouest. Elle a rencontré un «type de Vancouver qui lui avait dit travailler avec des enfants en difficulté dans un camp pas loin de la ville.» Stephen la suivra mais il pressent que Sally le quittera le cas échéant. Pour ne pas tout dévoiler de l'aventure des deux jeunes, précisons qu'au cours de leurs pérégrinations, ils ont abandonné la voiture de Gary Bettman, elle sera retrouvée en Alberta...
Là-bas, dans les villages, les voix cacophoniques se font de plus en plus nombreuses. Après avoir fait le procès de Stephen, fils d'un couple asiatique propriétaire d'un restaurant que personne ne fréquente à cause de leur origine, après avoir critiqué âprement un certain vendeur de chaussures, après s'être enfin penchées sur leur vie misérable, ces voix se remettront lentement en question. Il y a Rachel l'institutrice, l'infirmière Wagner, le docteur Orme, le chanoine Miller, grand-père qui raconte des histoires abracadabrantes, le jeune Rainey - et sa mère - qui depuis l'accident traîne comme une âme en peine. Il croit lui aussi que Stephen et Sally en sont les victimes. Bien d'autres voix interviendront débitant leur rancœur sur les immigrants, sur le chômage, sur l'injustice, ces idées toutes faites que drainent l'ignorance et le désœuvrement. On ne fait que répéter ce qu'on entend. Mais la voix en quelque sorte rédemptrice est celle de Dinty, qui discourt sur les pieds, sur tout ce qu'on leur fait subir, sur ce qu'ils représentent sous le poids du corps. La métaphore vaut pour Stephen et Sally qui, eux, vont les «pieds devant», vers un avenir hésitant, incertain, mais un avenir quand même...
On ne nommera pas toutes les voix grinçantes qui essaiment cette histoire menée à un rythme endiablé. L'auteur, sans compassion ni complaisance, se fait la voix de nos consciences qui se pensent en harmonie avec nos certitudes. Il faut s'interroger sur leur authenticité pour qu'enfin le doute s'installe, retentisse et nous incite à aller de l'avant, sur la pointe de nos pieds...
Roman d'une extraordinaire originalité, porté par l'excellente traduction de Laurent Chabin. Il est à souhaiter que l'auteur, Roderick McGillis, professeur de littérature anglaise à l'Université de Calgary, Alberta, intéresse vivement un éditeur anglophone, la quatrième de couverture spécifiant que ce premier roman est inédit en anglais.
Les pieds devant, Roderick McGillis,
éditions Point de Fuite, Montréal, 2007, 255 pages
vendredi 14 décembre 2007
Famille éclatée, je te hais !
Groom dans un hôtel de Montréal, un homme est interpellé par l'arrivée d'une inconnue qui lui rappelle une femme. À la manière de la madeleine proustienne, elle lui servira de prétexte au déroulement d'un passé, vieux de dix-huit ans, qui le happera durement entre Montréal et Lyon. La démarche aurait pu être simple, elle ne l'est pas. C'est en longs passages descriptifs que «la teneur de ce vécu» accède à la compréhension du lecteur bousculé par une narration exigeante. Tout d'abord, G. - le narrateur - écrit une lettre ouverte à une femme personnifiée par l'aspect d'une ville qui pourrait être Lyon, ville où se situe en grande partie le passé de G. Puis, on le retrouve sur le pont Jacques-Cartier, telle une entrée en matière, autre lettre poétique expédiée à un éventuel lecteur. Au cours du récit, des entre-deux interviendront, ponctuant l'histoire de clairs-obscurs. Entre Lyon et Montréal, entre femmes et villes, entre réalité et rêve, entre amour et haine, enfin entre lucidité et folie. Parcours jalonné d'impasses auxquelles se heurte le narrateur en se cachant derrière des pronoms personnels variés - je, il, nous -, comme s'il refusait de se livrer entièrement d'où une inévitable amnésie.
G. a été marié à Fabienne de qui il a eu deux enfants ; il dit d'elle avec amertume : «mère de mes enfants, mer de mon naufrage.» Partage d'une parfaite harmonie jusqu'au jour où elle demande à G. de partir. Si cette décision n'est pas très claire, on comprend que des pressions familiales et professionnelles s'exercent sur elle pour éloigner G. de sa vie. On sait aussi qu'étant étranger, il n'a pas été vraiment le bienvenu dans la famille bourgeoise de Fabienne. À partir de ce canevas banal en soi, G. sombrera dans une désespérance proche de la dépression. Il ne peut supporter d'être séparé de la femme aimée, ni de leurs deux enfants. Craignant des représailles familiales et sociales sur les trois êtres qu'il chérit et sur lui - perte de son emploi et menace de mort -, il s'exilera à Montréal pendant un an. Attiré comme un aimant à Lyon, il y reviendra pour revoir ses enfants. Fabienne sera complètement transformée à son égard : agressive et lui interdisant presque de renouer avec leurs deux fils. G. est accablé par cet accueil inhospitalier et ce retournement de situation. Un soir de novembre pluvieux et gluant, errant dans la nuit, il fera la connaissance de Louise, aussi désillusionnée que lui. Elle a une liaison depuis dix ans avec Antoine, avec qui elle voudrait rompre, ne sachant trop pourquoi au juste. À Lyon, G. et Louise seront une bouée de secours l'un pour l'autre, mêlant amour et désarroi. La métaphore en sera l'eau, celle de la rivière (la Saône), la pluie et les larmes. Décor glauque aussi navrant que G. et Louise qui ne parviennent pas à sortir de l'impasse dans laquelle, sans cesse, ils se cognent. On comprend très vite qu'ils ne sont que substituts au manque affectif qui les dévore, G. dans une sorte de torpeur, Louise dans l'alcool. Ils ne sont présents que pour l'autre qui leur échappe. Si Louise ne sait comment rompre avec Antoine que, parfois, elle revoit, G. se laisse aller aux événements le liant et le déliant de sa famille, mais, aussi, à une souffrance qu'il adoucit en écrivant des poèmes entrecroisant plusieurs chapitres, comme s'il était le scribe effréné de son drame... Plus tard, quand il aura perdu le procès de son divorce, traumatisé par l'abandon de sa femme, désemparé par les visites éclair avec ses fils que lui concède Fabienne avec parcimonie, il sera atteint de la maladie de Parkinson. Louise et G. se réfugieront chez des amies à elle, dans des chambres d'hôtel, jusqu'au jour où, à la suite d'une mutation professionnelle dans une autre ville, Louise rompra avec G. Acculé aux implacables coups du sort qui s'acharne contre lui, il rentrera à Montréal. On le retrouvera dans sa chambre en train de contempler des babioles poussiéreuses de son passé. Une dernière lettre adressée à la femme-ville - la Magnifique ? - et à Louise closent le roman, Louise éclipsant chaque femme de rêve qui lui «faisait de l'ombre dans sa parfaite irréalité.»
C'est un roman complexe qu'a écrit l'auteur Sebahel Delombre. Un style parfois épique et lyrique amplifie les épisodes de l'histoire de cet homme, une écriture souple et forte, un peu narcissique inspirée de visages féminins fait effet de miroirs, déployant des strates de mémoires tissées d'images souvent nocturnes, de mots écorchés vifs. Par contre, trop de pages digressives et moralisatrices nuisent à la rigueur du récit, comme de longs poèmes en coupent le rythme. Par exemple, on saisit mal pourquoi Fabienne a décidé de divorcer et pourquoi G. est menacé de mort... Toutefois, la lecture de ce roman s'avère utile pour en savoir davantage sur le comportement de l'être humain «passant en revue fantômes et démons et réveillant bien des blessures et des passions endormies.»
À signaler du même auteur sur le site américain lulu.com :
- La mule des tombes, roman
- Quelques jours encore à vivre, roman
- Enchevêtrements, poésie.
L'impasse de la mort, Sebahel Delombre,
roman, 2007, 560 pages, www.lulu.com
mercredi 5 décembre 2007
Nouvelles itinérantes
Après son roman La route des petits matins qui a remporté plusieurs prix, et son roman, L'âme frère, Gilles Jobidon nous revient avec un court recueil de sept nouvelles, D'ailleurs. À l'heure des grandes migrations, pour ne pas parler de transhumance humaine, l'itinéraire divergent des personnages n'étonne pas. On parcourt des pays mais aussi des consciences qui se cherchent à travers des amours trahies, des nostalgies amères, ces ressentiments n'aboutissant qu'à de cruelles déceptions. À trop se chercher, on se perd. Cet amour las - bonjour Yann Andrea - se trame autour d'un vieux couple fatigué des autres et d'eux-mêmes ; chacun de son côté projette une improbable et différente séparation. La nouvelle À suivre nous convie au désarroi d'un homme marié et père de famille qui remet en question son orientation sexuelle. Il n'a qu'un seul désir, «celui de faire le moins possible de mal» à son épouse. La nouvelle Le pull m'a semblé un peu anodine, basée sur le désir d'un touriste dans l'impossibilité de s'offrir un «pull» convoité dans une boutique haut de gamme de la capitale parisienne et qu'il s'offrira quand même, quitte à «manger des pâtes pendant un mois.» La nouvelle N.Y. est un curieux récit raconté par un vieil homme à un touriste rencontré à New York un après-midi «en plein Central Park». Cette nouvelle me paraît la plus percutante et la plus originale du recueil. Ne pas se fier aux apparences... L'histoire de Ly Sanh est dédiée à une grand-mère chinoise, que narre un enfant de sept ans. Pour la première fois, il affronte la mort d'une parente aimée qui sera réduite en poudre. «Ma grand-mère en poudre, on l'avait mise dans un vase où on a peint une jolie libellule et son nom écrit dessus, Ly Sanh.» Un clin d'œil rempli de tendresse à Émile Ajar, et beau comme un conte de fées... Elsewhere est un récit cruel, un peu narcissique, mais combien efficace quand il s'agit de sonder son image physique et morale dans le miroir de la personne en face, en l'occurrence Sara, séduisant et inquiétant modèle d'une photographe célèbre tout juste guérie d'un amour malheureux. En elle, une intériorité de l'âme qui veut se dépouiller des artifices d'une existence n'ayant mené qu'à des échecs successifs. La jeune femme détruira son œuvre, croyant ainsi anéantir un passé stérile, aujourd'hui trop lourd pour elle. Même le chat ne résistera pas à sa rancune implacable. Cette nouvelle à saveur exotique nous montre à quel point les êtres sont parfois impitoyables - et pitoyables - quand ils se vengent d'événements irrationnels échappant à la raison. La dernière nouvelle du recueil, Le tiroir bleu, brosse le portrait d'un homme qui s'est trompé de siècle et d'identité. Un passé lointain va l'accaparer, l'obséder au point de relater son histoire à sa secrétaire avec un humour décapant.
Si le style de Gilles Jobidon se fait ici moins poétique que dans ses romans, sa rupture de ton, son écriture sobre et classique se prêtent parfaitement à l'interprétation des segments de vie qui animent chaque homme et chaque femme - et l'enfant - à un moment inattendu de leur cheminement personnel. Ce sont des instantanés empreints d'expressionnisme qui relient les nouvelles entre elles. L'auteur s'est davantage penché sur la destinée de chacun et de chacune pour camper des récits denses, intenses, souvent tragiques. Si morale il y avait à chercher dans ce recueil, on conclurait que partout, en dehors et en nous, nous sommes à la merci, et parfois victimes, d'insolites et surprenants ailleurs.
D'ailleurs, Gilles Jobidon,
VLB éditeur, Montréal, 2007, 80 pages
samedi 1 décembre 2007
Anna, Claire, Cooper et les autres
Le roman se divise en deux parties. La première s'ouvre en 1970 dans une ferme du nord de la Californie, à Petaluma, où vit un homme, veuf, avec ses deux filles, Anna et Claire. S'ajoute à cette famille ordinaire, le jeune Cooper dont les parents ont été assassinés quand il avait quatre ans, et que le père d'Anna et de Claire a recueilli. Plus tard, on saura que Claire a été elle aussi recueillie par le père, la semaine où Anna est née. Leurs mères sont mortes en couche. Quand l'histoire commence, les deux filles ont seize ans, Cooper vingt. Âge intransigeant. On ne devine pas que derrière tant d'harmonie familiale couve un drame qui les ravagera tous les quatre. Anna et Cooper tombent dans les bras l'un de l'autre, au désespoir de Claire qui sait que cet amour leur sera fatal. Claire a toujours su et saura toujours. Un soir de tempête, le père découvrira cette liaison interdite et cet homme tranquille et généreux entrera dans une colère sanguinaire. Il essayera de tuer Cooper alors qu'Anna qui s'est emparée d'un grand éclat de verre attaquera sauvagement son père. Délaissant Cooper à son sort, il entraînera Anna vers la ferme, la fera monter dans le pick-up, partira dans la nuit avec elle, on ne sait où. Claire soignera les blessures de Cooper, le sauvera de la mort.
Le drame amoureux d'Anna et de Cooper se termine sur un fond de violence inouïe, sans trop savoir ce que sont devenus les deux soeurs et le jeune homme. Il faudra attendre une vingtaine d'années avant de les retrouver. Anna vit en France dans le Gers. Elle est historienne et se passionne pour la vie d'un écrivain français du début du vingtième siècle, Lucien Segura. Elle séjourne dans la maison où celui-ci a passé ses dernières années. Elle s'est éprise de Rafael, un gitan de la région. Claire, à San Francisco, travaille dans un cabinet d'avocats et consacre ses week-ends à la ferme de Petaluma. Cooper joue au poker dans les casinos du Nevada. À partir de ces trois situations sociales et géographiques, le roman bascule dans plusieurs récits construits en strates douloureuses. On apprendra par Anna qu'après que son père l'a emmenée loin de la ferme, elle s'est enfuie du pick-up et a pu, grâce à la bonté d'un chauffeur noir, échapper à son père et «la vie devant moi, marcher dans les rues vides.» Elle sait qu'elle ne reverra jamais Cooper ; elle conclut sur cette touche désespérée, que son «premier amour, il était perdu pour moi, et je me trouvais alors trop loin, dans une autre vie.» Entre temps, Claire en voyage d'affaires, rencontrera Cooper qui est poursuivi par des joueurs qui veulent sa peau parce qu'il a triché. Une fois encore, elle le sauvera après qu'il soit laissé pour mort dans un chalet. Il sera tellement abîmé par les coups qu'il aura perdu la mémoire. Claire le ramènera à la ferme où vieillit le père. Elle prendra ce risque et nous ne saurons plus rien de la survie de Cooper, ni de ce qu'il adviendra de Claire.
La deuxième partie du roman s'ouvre sur l'histoire de l'écrivain Lucien Segura. C'est Anna, en filigrane, qui raconte. On ne le sait pas vraiment, mais, parfois, Rafael intervient lui aussi, Lucien Segura ayant connu ses parents. D'autres personnages entrent en scène dont la vie recoupe celle d'Anna et de Cooper. Il y a Marie-Neige et Roman, le double de Cooper et du père d'Anna. Et aussi Marie-Neige et Lucien Ségura qui, à vingt ans, sont devenus amants. Aria, la mère mystérieuse de Rafael, son père qui refuse de se nommer, autant dire de s'identifier. En lisant le déroulement de ces chroniques successives, on a l'impression de saisir les restes de la vie d'Anna, de les amasser pour faire semblant de reconstruire une existence au présent, alors que le passé «par la grâce du souvenir, par la grâce du reflet d'un écho, [...] nous permet de contourner le temps.»
C'est un roman éblouissant, envoûtant, que nous offre Michael Ondaatje. L'écriture contient une poésie si lyrique, si enveloppante qu'elle agit comme un baume sur les blessures envenimées de ces hommes, de ces femmes qui se cherchent tant dans leur quête intérieure que dans la vie quotidienne qui ne cesse de les meurtrir. Divisadero en espagnol signifie division, une frontière ou un poste d'observation. La métaphore exprimerait qu'à travers nos expériences, certaines frontières ne peuvent être franchies sans que nos consciences ne soient frappées d'amnésie, nos corps souillés de plaies purulentes.
À lire absolument. À relire pour être certain de ne rien oublier des fantômes qui subvertissent nos destinées. «Il y a en nous la présence cachée d'autres, y compris de ceux que nous n'avons que brièvement connus», affirme Anna au tout début du livre, se demandant qui était «Coop». Et de réaffirmer : «Tout est collage, même la génétique.»
À noter l'intelligente et rigoureuse traduction de Michel Lederer.
Divisadero, Michael Ondaatje,
Éditions du Boréal, 2007, 309 pages