lundi 25 mai 2009

Au nom de l'amour, le désespoir *** 1/2


Mère et fille. Instantanément, on pense aux nombreux livres publiés sur le sujet. La majorité de ces ouvrages relatent la rivalité conflictuelle existant entre la mère et la fille. C'est donc avec curiosité qu'on a lu le premier roman de Diane Labrecque, Raphaëlle en miettes. L'approche que l'auteure a privilégiée ne nous a pas déçue, bien au contraire.

Sans tergiversation, nous entrons dans le vif de la tourmente de la narratrice. Raphaëlle, inconsolable depuis dix-sept ans de la mort de son amant, Louis, et père de sa fille, Hania. Après ces événements, Raphaëlle s'est retirée à Sept-Îles, dans la maison familiale, bâtie par le père. Elle a reçu un courriel de Hania, qui souhaiterait la revoir. Semblable à la madeleine proustienne, le message de l'adolescente ébranlera des souvenirs exacerbés dans la tête de Raphaëlle, images à la fois douteuses et notoires. Après la mort de Louis, elle a confié Hania, âgée d'un an, à Juliette, la mère de Louis. Elle lui rendra visite de temps à autre mais, minée par le chagrin, elle se désintéressera de la petite fille. Il y a Mélissa, sœur aînée de Raphëlle, qui l'a toujours protégée contre l'alcoolisme de leur père. Celle-ci est mariée à François, le meilleur ami de Louis. Une douloureuse histoire dans laquelle la mémoire sombre dans des zones noires ou blanches, Raphaëlle ignorant le gris de l'existence. D'où ses excès factieux quand elle se remémore les raisons qui l'ont poussée à s'appuyer sur des points de repère corrompus, l'entraînant dans une dérive galopante. Alcool, drogue, baise à outrance, la trinité expiatoire se conjugue pour sortir la jeune femme de ses retranchements, les faire exploser, comme la bouteille de rhum qu'elle brise dans sa salle de bains, démunie de ses ressources humaines. Elle se culpabilise d'un passé marqué au fer rouge, refuse de soigner des plaies sanguinolentes, au point de mentionner à Hania : « Je suis celle qui abandonne, celle qui trahit. »

Si le roman regorge de trahisons, ils ont peu à voir avec Raphaëlle. Les êtres, autour d'elle, l'abordent en toute quiétude, ne se doutant pas, ou abusant, de sa fragilité nourrie d'une passion dévorante qui la ronge et la tue. De plusieurs manières, physiques et morales, chacun déverse en elle, son trop-plein d'angoisse, de mal-être. Raphaëlle qui prend tout à cœur, vie et mort, s'insurge contre elle-même, projetée qu'elle est dans une solitude extrême, viciée par un mystère familial concernant ses parents et sa sœur, par l'abandon de Hania, par la tragédie qui a bouleversé la fin de la vie de Louis. Marginale Raphaëlle, mais combien responsable du sort de ses semblables. Rencontres de hasard, lâcheté des hommes, connivence avec Mélissa qui, dans son rôle de grande sœur, supporte et pardonne. Que se passe-t-il quand le fond de la misère mentale aboutit sur des tessons ? Nous nous en relevons ou nous en mourons. Les puits, les couloirs, creusent des saillies où les mains, les pieds s'accrochent avant d'accéder enfin à la lumière. Il en est ainsi pour Raphaëlle qui, imprégnée de la parole de nombreux écrivains et poètes auxquels elle s'abreuve, étanche ses soifs, se rassasie de l'étendue mouvante de la mer. N'écrit-elle pas à Hania : « Et malgré cette absence, le monde continue d'être, comme une impossible réalité. »

Le roman se prêtant à diverses interprétations, nous pouvons y lire la lettre d'une mère à sa fille, une lettre qui attend une réponse en chair et en os. Quand Hania aura pris connaissance du plaidoyer terrifiant de sa mère, viendra-t-elle au rendez-vous qu'elle a proposé à cette femme abîmée par les autres qui, pourtant, lui voulaient tant de bien. Sur une touche d'espoir, sans nulle certitude, s'achève l'histoire de Raphaëlle. Des demi-teintes vitales, l'ombre bienveillante de Mélissa, la présence aléatoire de Hania dans un avenir proche, la bouteille de rhum à ses côtés... Une écriture hachurée, des blocs de dialogues intégrés à la narration, intensifient les actes corrodés, les pensées insoumises de Raphaëlle, atteignent de plein fouet le lecteur au plexus solaire, telle une tempête morcelant un paysage trop bien dessiné, une plage trop bien ratissée. Un coup de poing en plein visage. Le temps d'oublier quelques clichés et incohérences négligés par l'éditeur.

Si nous ignorons quels seront désormais les agissements de la mère et de la fille, c'est un superbe et prometteur rendez-vous que Diane Labrecque a fixé à ses lecteurs dans un prochain livre, comme dans un lieu hasardeux. On sera là sans se faire désirer...



Raphaëlle en miettes
, Diane Labrecque
Éditions Hurtubise, Montréal, 2009, 192 pages

lundi 18 mai 2009

Un bouquet vénéneux *** 1/2


Après avoir recommandé le recueil de nouvelles de Lyne Richard, Il est venu avec des anémones, et lu Poisons en fleurs, nouvelles signées Claudine Dugué, recueil plus disparate, et l'espace-temps plus compressible, que celui de Richard, on constate le décalage d'écriture, de thématique et surtout d'imagination existant entre les hommes et les femmes. Les premiers privilégient la fuite ou l'inhibition tandis que les femmes affrontent leur souffrance, en tirent l'essentiel, se bâtissent un rempart derrière lequel elles se dressent, fortes et vigilantes, comme pour vaincre la peur qui les taraude, la chasser loin de leurs préoccupations quotidiennes.

Doucement, on pénètre dans les vingt-deux nouvelles de Claudine Dugué ; on les lit, on se dit que de telles situations n'habitent que des personnages de papier. L'auteure présente d'abord trois femmes abruties de solitude qui, pour la conjurer, s'inventent, tels les enfants uniques, des amis imaginaires. L'une se crée une sœur jumelle écrivant un roman et pour qui elle se prostitue. L'autre, devenue vieille, se remémore un mariage qu'elle aurait contracté avec un chef cuisinier travaillant dans une famille noble. La troisième, une « vieille excentrique » qui dit être âgée de « cent deux étés » narre au nouveau facteur les déboires qu'elle a subis sur l'île qui l'a vue naître. Entrée en matière affectant le ton grinçant des histoires qui vont suivre. Un funambule que les oiseaux affolent, une jeune femme qui accouche dans sa baignoire ; une oasienne qui, révoltée contre les traditions séculaires de son village « en bordure du désert » a refusé, à douze ans, d'épouser son cousin bien plus âgé. S'étant exilée, elle retournera quelques années plus tard sur les lieux de son enfance ; elle rencontrera son cousin qui se vengera d'une manière ignoble.

Les protagonistes que Claudine Dugué met en scène portent en eux des sentiments excessifs nés d'événements imprédictibles. Comme chez tous les humains, le bien et le mal se disputent durement la place vide à combler, celle du remords, du ressentiment dans la tête et le cœur. Rarement le bonheur s'immisce, adoucissant le sort de l'un ou de l'autre. Toutefois, on songe au berger en transhumance dont le chien, voulant rabattre un mouton, s'est tué en tombant dans un aven. Lassé des risques qu'il prend à suivre ses moutons, le berger les vendra et s'achètera un troupeau de chèvres ; il mettra « sur pied une petite fromagerie. [...] la fille du boulanger [lui] sourira. » Fait subtil dans ces récits originaux, intervient toujours un souvenir ancien, vieux de plusieurs années, déclenchant d'involontaires réminiscences, intensifiant les drames que chacun traverse. L'auteure semble affirmer que rien ne s'oublie, qu'une bête tapie en nous, attend le moment propice pour se réveiller et nous mordre implacablement. Autre subtilité : les objets auxquels Claudine Dugué donne la parole. Une bague de lapis-lazuli, un scarabée noir, une bouteille d'huile d'olive jetée à la mer, un pinceau trempé dans du sang humain, des graines de jusquiame mortelles. Ces objets possèdent leur vie propre, racontent les péripéties qui les ont conduits à s'approprier des sentiments charnels...

On ne mentionnera pas toutes les nouvelles du recueil. Tel un bouquet vénéneux de perles noires, desquelles nous soupçonnons à peine le défaut, elles scintillent, titillent notre curiosité. Comment résister aux fragrances trompeuses exaltant la plupart des fables ? Quelques-unes ont notre préférence : La marcheuse des sables, Le naturaliste du désert, Le scarabée noir, Mômbaka et son couteau, pour ne nommer que celles-ci.

Le style tactile nous emporte vers une écriture sensitive, pailletée d'onomatopées propres aux images. Chemin d'un Poucet à la fois tendre et cruel, comme le sont les routes empruntées par les êtres humains et les objets qui les accompagnent. À lire pour se rendre compte à quel point des existences bellement empoisonnées se transforment en un improbable destin.


Poisons en fleurs, Claudine Dugué,
Éditions Triptyque, Montréal, 2009, 160 pages

lundi 11 mai 2009

Fins du monde et autres catastrophes ***


Qu'est-ce que le bonheur de vivre ? Certains prétendent qu'il consiste en des instants : un sourire échangé, un regard fervent, un geste tendre. Effleurement du temps qui se disperse en fumée. Pourquoi le bonheur s'étirerait-il ? Quelques secondes suffisent pour tuer un être, pour que les radiations d'une bombe atomique anéantissent une capitale ? Ces questions nous sont venues à l'esprit après avoir lu le deuxième roman de Nicolas Dickner, Tarmac. Examinons de plus près si des réponses nous rassurent.

Août 1989. Deux adolescents de dix-sept ans, Michel — dit Mickey — Bauermann et Mary Hope Juliet Randall se rencontrent au stade municipal de Rivière-du-Loup. Ils ont en commun un regard lucide sur le monde et ses transformations. Leur famille a émigré au Québec. Les parents de Mickey, d'origine hollandaise, sont propriétaires d'une usine de ciment et de béton. Depuis sept générations, la famille Randall, originaire de Yarmouth, en Nouvelle-Écosse, « souffrait d'une grave obsession pour la fin du monde. » C'est ainsi qu'Ann Randall, la mère de Hope, décrète à son tour que la fin du monde aurait lieu durant l'été 1989. Au fur et à mesure qu'approche la date fatidique, elle sombre dans des « psychoses apocalyptiques [...] des périodes de fébrilité inexplicables. » Puis, mère et fille fuient au Nouveau-Brunswick et, cinq mille kilomètres plus loin, se posent à Rivière-du-Loup. Elles emménagent dans une ancienne animalerie alors qu'Ann Randall vacille au bord du gouffre.

Mickey et Hope se fréquentent, les choses de leur vie en sont là. Mickey qui traîne son ennui estival, reprend goût à l'été grâce à l'intelligence — Q.I. 195 — effervescente de la jeune fille. Les sciences, les langues, David Suzuki, les films de zombies, la passionnent. Elle évoque sans cesse les bouleversements qui essaiment sa génération, comme si ces événements, tragiques pour la plupart, lui servaient de support pour grandir. À défaut de l'unité familiale, elle se réfugie dans le moindre des maux, celui d'une possible fin du monde, le 17 juillet 2001. Entre sa mère que la dépression mine, le collège et Mickey, Hope se nourrit de spéculations philosophiques, de théorèmes vertigineux, entretient sa paresse en regardant la publicité à la télé au sous-sol chez son amoureux. Relation sensuelle et platonique, Hope n'a pas encore « subi son Mauvais-Quart-d'Heure » ! Obsédée par la date de sa propre fin du monde, telle une guerre insidieuse menée contre elle-même, Hope fascine Mickey, le force à voir plus loin que le ciment et le béton. Elle soigne sa mère, s'arrange de petits boulots, étudie sans se préoccuper du lendemain. Le départ de Ronald Reagan de la Maison-Blanche, la chute du mur de Berlin, la fin de la guerre froide, l'arrivée de Mikhail Gorbatchev, autant d'écueils à franchir sans se blesser gravement. Jusqu'au jour où Hope, feuilletant un « vieux numéro de Spider-Man », s'arrête à un encadré dans lequel un dénommé Charles Smith annonce la fin du monde le 17 juillet 2001 et expose ses prophéties traduites en dix-huit langues. Le destin de Hope bascule, elle doit absolument retrouver l'inconnu.

Quand Hope s'envole d'abord à New York, chez l'éditeur de Charles Smith, puis à Seattle, enfin à Tokyo, le narrateur devient spectateur et relate le voyage mouvementé de la jeune fille. La tension s'estompe avant que l'histoire reparte sur des rails endiablés où Hope, véritable locomotive, entraîne le lecteur vers des rebondissements imprévisibles, délirants d'imagination. La fin du roman s'avère une boucle où le temps se noue, se dénoue, prend à témoin Mickey qui désespère du retour de la fille prodigue. Dix ans ont passé, l'adolescent, désormais adulte, ne se remet pas du silence inexplicable de son amie de jeunesse. Dans une telle histoire abracadabrante, ne peut survenir qu'une fin digne de l'inénarrable Mary Hope Juliet Randall...

Roman riche en trouvailles inusitées, en situations burlesques, où sont rassemblées toutes les générations inquiètes du déséquilibre mondial. L'actualité de plus en plus voyeuse s'offre, impudique, aux regards avides d'une presse à sensation qui, livrant le pire, rarement le meilleur, nous reporte à Ann Randall assujettie à un discours qu'elle ne veut plus entendre, mais auquel elle ne peut se soustraire. Les clients du bar où elle travaille sont là pour lui rappeler que de multiples fins du monde se répandent insidieusement. Enfermée dans une bulle d'individualisme forcené, elle ne s'est pas rendu compte de l'absence de sa fille. Qui d'entre nous a conscience des événements menaçant notre sécurité ? Qui aurait prédit le terrorisme ? Plus éloigné, Hiroshima, Nagasaki ? Sans parler des séismes naturels obligeant à une transhumance humaine. Les effets nauséabonds du monde, leurs odeurs toxiques, font partie de l'air que nous respirons. Des pires catastrophes naît le désir de bâtir une humanité différente avec ce qu'elle comporte de bonté et de cruauté. D'incertitude et d'assurance.

À lire pour apprécier l'écriture fluide des chapitres chaotiques sous-titrés de manière loufoque mais combien efficace. Reconnaître aussi que d'une génération à une autre, tout est conçu pour changer et rester pareil, à l'extérieur ou à l'intérieur de nous-même. Grandes et petites catastrophes tiennent lieu de catalyseur quand nous devons lever les yeux au-dessus de notre auguste nombril ! Le poète Arthur Rimbaud n'a-t-il pas écrit : " On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans. " ?



Tarmac, Nicolas Dickner
Éditions Alto, Québec, 2009, 280 pages

lundi 4 mai 2009

Pattes de velours, griffes acérées *** 1/2


De nombreux écrivains ont loué la beauté et le mystère des chats. Nous viennent à l'esprit les noms de Charles Baudelaire fasciné par leur regard ; celui de Colette qui, à la brunante, se promenant en leur compagnie, parlait de " l'heure des chats ". Feu l'écrivain Yves Navarre, dans ses Carnets publiés, il y a plusieurs années, dans le quotidien Le Devoir, a longuement entretenu ses lecteurs de ses deux chats, Pattavan et Pattarrière. C'est au tour de l'écrivain Hans-Jürgen Greif de nous présenter des histoires insolites qui, soulignées de proverbes populaires mondiaux, mettent en scène ces animaux louangés ou vilipendés, titrées Le chat proverbial.

Onze nouvelles dans lesquelles le chat est omniprésent. Il va d'un lieu à un autre, d'un pays à un autre. L'espace n'a aucun effet sur lui, de tout temps il a existé. C'est un être libre, parfois rebelle aux meilleures intentions des hommes et des femmes qui se veulent ses maîtres. Le chat est méfiant, mais d'une fidélité à toute épreuve quand il a trouvé chaussure à sa patte, des genoux où s'endormir. Tant de qualités opposées à celles des humains font de lui un pestiféré ou le roi de la maison qu'il a choisie. Le chat s'installe à demeure ; s'il se sent emprisonné, il cherchera ailleurs le bien-être convoité. Il est avant tout un épicurien. Les chats qui fréquentent les nouvelles de Hans-Jünger Greif font foi de ce qu'on avance. La chatte au pelage blond, partageant notre quotidien, nous fait savoir d'un clignement des paupières qu'elle approuve nos commentaires !

Il y a le chat Birbone, que la belle et distinguée veuve Vannina Vannini a apprivoisé dans un cimetière napolitain. Traquant les rats et souris, Birbone lui rapportera un trésor qui lui permettra de retourner à Florence, sa ville natale, d'y vivre paisiblement jusqu'à sa mort. Le chat Honoré tient entre ses pattes un héritage qui déterminera du sort de celui qui l'empochera. Les conditions stipulées par le testateur, Ernest Bolduc, avantagent Honoré, au grand dam du frère d'Ernest, de sa femme et de leurs enfants. Mais, maître Jacques Turgeon, le notaire, veille. Un proverbe sénégalais a inspiré à Hans-Jürgen Greif une nouvelle qui n'est pas sans rappeler le thème du court roman de Colette, La Chatte : pour plaire à son amant, ami des chats, une jeune femme de carrière achète un chaton ; très vite, celui-ci se rendra compte que cette femme méprise les animaux. Il se réfugiera vers l'amant, occasionnant des scènes de jalousie jusqu'à la rupture finale. Une nouvelle touchante, sous le signe d'un proverbe néerlandais, nous emporte dans une résidence pour personnes âgées. Madame Bonnefoy vient d'y entrer à contrecœur. Cet endroit lui déplaît, de plus en plus le remords la ronge : elle a fait euthanasier son vieux chat Arachide, la résidence n'acceptant pas les animaux. Affectée d'un début de dépression, madame Bonnefoy fera la connaissance d'un pensionnaire, monsieur Daoust, qui l'aidera, d'une manière élégante, à sortir de ce mouroir.

On feuillette le recueil, chaque page nous happe, nous fait aimer les chats davantage. Victimes du bêtisier humain, on voudrait, tel le prophète Mohamed, couper un pan de notre manteau pour ne pas les déranger et leur apporter un brin de confort. On évoque les chats de Hameln qui, en 1284, sauvèrent la ville envahie par les rats, sans aucune reconnaissance de la part des habitants. Plus loin, Ilena, jolie femme russe, rétive au tempérament indépendant des chats, ne supporte que les chevaux et les chiens qui lui sont soumis. Une nuit, Butler, le chat de son amant, est attaqué par un chien vagabond. Sa mort, dont elle est en partie responsable, mettra un terme à leur liaison. En passant, on nomme Marcel, le chat mélomane et critique d'opéra ; Pastille, la chatte de Christiane et d'Albert, « une siamoise blue point, mignonne comme tout [...] » ; Gustave, le chat détective qui laisse des messages sur l'ordinateur de son maître pour l'aider à démanteler un complot ourdi contre des chats de laboratoire. Nouvelle cruelle, nous rappelant que le chat n'a pas toujours un sort enviable.

Dans ces récits écrits avec la verve, le dynamisme que nous connaissons à Hans-Jünger Greif, l'intelligence et l'humour se côtoient au long de soliloques émis par l'auteur — miaulements et feulements ! —, nous attirant immanquablement vers l'histoire particulière d'un chat et de son entourage. L'auteur privilégie la pensée des chats, leur octroie un raisonnement que seul un amoureux de ces félidés peut imaginer. Aucun anthropomorphisme, mais une réelle fascination qu'exercent les chats sur des hommes et des femmes irrationnels et rêveurs comme eux. Louis de Bonald, écrivain et philosophe français du XVIIIe siècle, n'a-t-il pas écrit : " L'homme naît perfectible, l'animal naît parfait " ? Maxime qui conviendrait magnifiquement au chat.

Un livre à offrir à ceux qui se croient supérieurs aux chats et dénigrent leurs fervents admirateurs !


Le chat proverbial, Hans-Jünger Greif
les Éditions de L'Instant même, Québec, 2009, 300 pages