lundi 8 janvier 2018

Portrait d'une dame avec groupe *** 1/2

Les toits plats des édifices qu'on voit de nos fenêtres sont blancs d'une fine neige. Les rues, les trottoirs en attendent pour les prochains jours. La radio nous rappelle inlassablement que Noël est dans quelques semaines. L'ambiance est donc à la fête, mystique elle devrait être. Les gens se préparent à dépenser plus qu'il ne faut, en ces temps où l'austérité devrait être de mise. Aux quatre coins du globe, des populations meurent de faim, de maltraitance, oubliés des nantis de ce monde. On commente l'essai dirigé par Nadine Ltaif et Claire Varin, Avec Monique Bosco.

On ne connaissait pas cette écrivaine, on l'avait rencontrée une fois sous le signe d'une autre écrivaine et amie, Hélène Cixous. Échanges de points de vue sur le sujet, rien de mieux. Depuis, celle qui nous intéresse a disparu, laissant derrière elle une œuvre majeure, étudiée dans les universités, lauréate de plusieurs prix littéraires. On taira les à-côtés de l'œuvre, comme la correspondance, entretenue avec des professeurs, amis, étudiantes. On s'égarerait de notre propos initial. Il a fallu qu'un essai, sous forme de divers témoignages, tombe dans nos mains, pour renouer un tant soit peu avec une professeure vénérée de plusieurs de ses anciennes disciples. On ignorait que ce sentiment naïf générait de tels écrits mémorables, nous interrogeant cependant sur la part d'objectivité enrichissant ce nombre consistant de témoignages, même si cette vertu existe peu au cours de notre existence. 

Le livre se divise en trois parties. Les deux premières s'inscrivent dans une démarche de souvenances. Des écrivaines, d'ici ou d'ailleurs, dont Nadine Ltaif et Claire Varin, responsables du collectif, ne cachent pas l'admiration qu'elles vouaient à leur professeure. C'est par le truchement de ces voix sincères, parce que désintéressées, que le lecteur — la lectrice ? — fait la connaissance de Monique Bosco. Ces voix nous révèlent ses origines juives, son exode dans plusieurs pays et continents, son attachement au Québec. Son amitié indéfectible pour Anne Hébert. Son dévouement passionné envers ses étudiantes. L'influence engouée qu'elle exerçait sur des jeunes filles assoiffées de savoir. Son esprit rebelle, sa manière de rejeter toute forme de conformisme. Son autorité jusqu'à la mauvaise foi. La professeure en question était loin d'être un ange, explicitant qu'elle s'adressait à de jeunes adolescentes, vulnérables, habitées de la passion d'écrire. Ne sachant trop où l'enseignement de la poésie, de la littérature, les conduirait. L'essentiel était de transmettre son amour des mots à des esprits vierges et fragiles. « Faisant partager sa drogue à des innocents qui ne savent se défendre. » Si ces paroles sont d'ordre fictif, il n'en reste pas moins que l'aveu de la professeure-écrivaine éclaire ses intentions... Notre regard sur ce recueil demeure étonné, attendri, la grâce de la vénération n'ayant jamais nourri nos sentiments adolescents envers des professeurs ou des écrivains. Des mentors ont tracé nos balises, on a tenu compte des sentiers perclus de nos balades vagabondes chaque fois qu'on a écrit un livre.

La troisième partie nous a paru la plus attachante. Elle se compose davantage de l'œuvre que de l'écrivaine en soi. Des textes, comme celui de Lucie Lequin, dissèquent la pensée intellectuelle de Monique Bosco, s'appuyant sur l'étude d'un de ses romans, Babel-Opéra. On connait l'intelligence remarquable de cette professeure quand il s'agit d'analyser  le contenu d'un roman ou d'un essai jusqu'à en savourer la substantifique moelle. D'autres témoignages gravitent autour du mystère que l'écrivaine entretenait dans ses romans, détestant toute familiarité curieuse, sinon indécente à son sujet. La blessure des origines était profonde au point de l'occulter derrière des éclats de rire tonitruants. L'œuvre a tout dit, Monique Bosco s'efforçant de la rendre fictive, mais où le questionnement personnel ne se dément jamais.

Il n'est pas nécessaire de se demander si on a apprécié à sa juste valeur le contenu de cet essai collectif. Cela n'a aucune importance. Il rend hommage à une femme, écrivaine et essayiste, dotée d'une personnalité exaltée, qui a su transmettre à un groupe de jeunes femmes le goût de l'écriture, de la lecture. Quelques-unes se sont montrées suffisamment perspicaces, fidèles, pour perpétuer la mémoire de Monique Bosco à travers leurs mots efficients.

L'essai contient des photos, des dédicaces, des dessins de l'écrivaine, accompagnant généreusement les textes. Les images de diverses factures nous montrent une femme épanouie. L'ensemble du recueil dégage une rigueur disciplinée qu'ont très bien su cerner Nadine Ltaif et Claire Varin. On les en félicite. Leur dévotion envers leur professeure qui, sans le savoir, les a conduites à ce travail assidu, en est que plus méritoire.

Avec Monique Bosco, sous la direction de Nadine Ltaif et Claire Varin
Éditions Médiaspaul, Montréal et Paris, 2017, 174 pages




2 commentaires:

  1. PORTAIT D’UNE DAME.

    Merci Dominique pour la critique du livre :« Portrait d’une dame en groupe »Votre introduction pleine d’amour de sagesse de générosité et d’humanisme envers les démunis interpelle les cœurs endurcis qui ne regardent jamais les étages inférieurs. Je suis resté ébahi tellement je me reconnais dans les traits de caractère de l’écrivaine. Je reprends une de vos belles phrases qui se juxtaposent exactement mes convictions : « Je ne suis qu’un vieillard très sensible et vulnérable habité de la passion de lire et d’écrire en faisant partager ma drogue à des innocents qui ne savent pas se défendre » ou encore : « Des mentors ont tracé nos balises, on a tenu compte des sentiers perclus de nos balades vagabondes chaque fois qu'on a écrit un livre. »La conclusion Dominique est très touchante, avec une leçon de vie pleine de sagesse qui nous rappelle « qu’on ne doit jamais oublier une personne aimée qui aura fait preuve d’un immense courage face à la maladie. » Merci Dominique pour cette création et ce concetti faits avec prévenance et amour.

    Marrakech le 16 Janvier 2018.

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  2. Merci M'barek. Vous me tuez avec votre générosité qui me rendrait presque égoïste si je n'avais pas la tête bien accrochée sur mes épaules...

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Commentaires: