On regarde par la fenêtre, la pluie zèbre les vitres. On songe à la bave des escargots argentant les feuilles de rhubarbe, laquant les salades qui s'alignent parmi les bégonias. Bref, le printemps se manifeste par des signes qui nous rassurent sur la venue de l'été. Le jardin, enfin, vit sa vie comme on vit la nôtre en lisant des histoires qui font réfléchir sur la démence humaine, tel le roman Coventry, signé Helen Humphreys.
Des dates situent le drame de deux femmes qui, chacune de son côté, se rejoindront dans l'enfer d'une nuit à Coventry. Elles s'appellent Harriett et Maeve. Nous découvrons la première en quelques pages, le 20 septembre 1914. Elle a dix-huit ans, a épousé Owen deux mois plus tôt ; il a dix-huit ans lui aussi. L'Angleterre vient d'entrer en guerre, Owen s'est enrôlé et sera expédié en Europe pour défendre la France et son pays. Ce matin-là, l'accompagnant à la gare, Harriett ne se doute pas qu'elle ne reverra jamais son insouciant mari. Sur le chemin du retour, Harriett fera inopinément la connaissance d'une jeune femme de son âge, Maeve, qui dessine la flèche de l'église. Ensemble, elle prendront une impériale, « autobus à deux étages qui sillonnent les petits rues médiévales de Coventry que depuis un an. » Elles boiront un thé chez Harriett, se quitteront après que Maeve ait promis de revenir le lendemain. Sa nouvelle amie partie, Harriett réalisera « qu'elles ne se sont même pas présentées. » Vingt-six ans s'écouleront avant qu'elles se retrouvent.
La date du 14 novembre 1940 nous présente Harriet se dirigeant vers le toit d'une église. Elle remplace Wendell Mumby, vieux monsieur qui a raté son tour de garde « parce qu'Harriett a lavé le plancher du vestibule [...] Wendell s'est tordu un genou en glissant. » Chaque nuit, quatre veilleurs de feu, juchés sur un toit distinct de l'édifice, tentent, à l'aide de moyens rudimentaires, d'en éteindre les flammes. Parmi eux se tient Jeremy, le fils de Maeve... Autre date fatidique, 5 mars 1919. Harriett se rend à Ypres, ville belge saccagée par les bombardements. Elle a reçu un télégramme l'avertissant qu'Owen était porté disparu. Malgré l'espoir de le revoir sain et sauf, Harriett avait dû se rendre à l'évidence : Owen était mort. Aujourd'hui, dans la localité en ruine, elle se remémore le peu de jours qu'ils ont vécus ensemble, sa dernière lettre interrompue brusquement. Elle se rend compte qu'elle ne sait rien de son mari, ignore ce qu'il a signifié pour elle.
Dates dépeintes tels des plans rapides, situant les êtres, les lieux où se déroule l'histoire. De retour au 14 novembre 1940, nous assistons graduellement à la destruction de Coventry par une nuit de pleine lune. Longue et douloureuse séquence magistralement représentée par Helen Humphreys. Les odeurs âcres du feu, la fumée étouffante, les pierres brûlées, les bâtiments anéantis, rien n'est laissé au hasard. Des femmes et des hommes meurent, atteints par des projectiles qui explosent, ou ensevelis sous les décombres. Les quatre veilleurs de feu se replieront, ils ne peuvent plus contrôler l'ampleur incendiaire des bombardements. Sur le toit, Harriett se dévoilera à Jeremy qui, sous son accoutrement masculin, l'avait confondue à un homme. Après avoir affronté bien des dangers, tous les deux marchent ensemble vers un but précis : Harriett veut revoir sa maison, Jeremy, sa mère. Ni l'un ni l'autre ne se doute que de son côté, Maeve recherche Jeremy. Durant leur randonnée périlleuse, s'exacerbe la mémoire des deux femmes ; elle s'entrave de leur enfance paisible, plus tard, de la fougue de leur adolescence. Mémoire entachée des décombres de Coventry impitoyablement meurtrie par les avions allemands. D'intimes événements dus à cette nuit engluée dans des ombres néfastes, des silences entrecoupés de plaintes ou de bruits assourdis par le vacarme tonitruant de Coventry, rapprocheront brièvement Harriett et Jeremy. Il faudra attendre le 26 mai 1962 pour qu'Harriett et Maeve prennent la parole. Coventry a été reconstruite mais ni Harriett ni Maeve n'y habitent. Elles ont vieilli, pénétrées de réminiscences communes, obsédantes. De cette nuit traumatisante, Jeremy s'avère l'un des liens indestructibles unissant sa mère et Harriett.
Roman tragique et somptueux. On se demande si des circonstances exceptionnelles, aussi pénibles soient-elles, créent des occasions fastes, propres à l'âme humaine. L'amitié entre Harriett et Maeve aurait-elle été si prégnante en temps de paix ? L'harmonie d'une existence minimise-t-elle la force de sentiments surgissant parmi la débâcle ? On pense à une fleur qui pousserait entre les pavés disjoints d'une ruelle... Roman où la guerre humanise les êtres, les rend à leur expression de chair, de sang et d'os. Le pouvoir est ailleurs, entre les mains des vainqueurs, mais qui sont-ils au juste ? Helen Humphreys ne porte aucun jugement. Elle se pose en spectatrice efficace, qui témoignerait d'un champ de bataille anéanti, sondant les cœurs d'un œil attendri mais implacable.
À lire, pour que notre mémoire, semblable à celle d'Harriett et Maeve, n'oublie jamais l'inutilité ignominieuse des guerres, leur violence déshonorante. Et aussi pour la beauté sobre de l'écriture.
Coventry, Helen Humphreys
traduit de l'anglais par Louis Tremblay et André Gagnon
Éditions Hurtubise, Montréal, 2010, 240 pages
Critique de livres, romans, nouvelles, récits.
Écrire est un acte d'amour. S'il ne l'est pas, il n'est qu'écriture. Jean Cocteau
lundi 31 mai 2010
lundi 10 mai 2010
Les états d'âme d'un psychiatre *** 1/2
Après avoir pris les transports en commun, on se questionne sur la pertinence des gens à bousculer les passagers. Plus loin, nous nous étions retrouvés sur le quai du métro à attendre la prochaine rame. Ce fut pareil pour l'autobus... Pourquoi tant de précipitation inconsciente, pour ne pas dire tant d'angoisse à gérer ? La vie demande-t-elle que nous courions délibérément vers sa fin ultime ? Avant cette phase définitive, il y a des distractions à savourer, comme lire le dernier bouquin de Vincent Thibault, Les mémoires du docteur Wilkinson.
On a redécouvert dans ces cinq récits le style flamboyant du livre Le Secret Fardeau de Munch, signé Vincent Thibault, dont on avait dit grand bien au moment de sa parution. Du mystère, de l'humour, de la générosité englobent les déboires d'un psychiatre qui redoute de prendre sa retraite. L'appréhension de la solitude à venir le taraude d'où l'entrée en matière d'une chronologie à la fois empreinte de réalité et de fiction. Comme si de se situer dans le temps et l'espace donnait un sens plus véridique à ses propos. Particularité propre à l'auteur incitant le lecteur à se laisser emporter vers des voies personnelles. D'en tirer ce qui lui convient pour la suite de sa lecture. Ainsi, la première nouvelle s'ouvre-t-elle sur une solitude partagée avec un patient récalcitrant, mettant en doute les pratiques du docteur Wilkinson que depuis des décennies, de connivence avec le pharmacien, il exerce sur des malades conciliants. Le patient en question se montre rébarbatif, telle une conscience prête à se rebiffer. Le docteur Wilkinson n'aura pourtant qu'un regret, celui de ne plus revoir « jamais cet homme. » Il se trompe, car il reviendra deux fois : d'abord en chair et en os, ensuite par le truchement d'une lettre...
Dans le deuxième récit, Le Vol de la mouche, on entre de plain-pied dans la retraite du docteur Wilkinson. Pour déjouer son ennui et sa fatigue, il a décidé d'écrire ses mémoires, plus exactement de narrer des aventures survenues au long de l'exercice de sa profession. Ici, l'histoire s'avère policière, minutieusement psychologique. Une jeune femme, Sally, s'éprend d'un vil séducteur qui, évidemment, l'abandonnera avant de disparaître. Entre en scène le frère de Sally qui à son tour disparaît. Chassé-croisé entre les deux hommes, entre Sally et le docteur. Ce dernier finit par cesser toute agitation physique et, grâce à une mouche sur la chevelure de Sally, plus tard, à la taverne — l'histoire se déroule en 1942 —, « sur un vieux journal au coin du comptoir », « tout s'emboîta presque magiquement et les preuves ne furent pas difficiles à réunir. » Moralité : la jalousie transforme aveuglément le plus innocent d'entre nous...
Un alligator fera les frais de la troisième histoire. Le reptile se tient coi dans le salon, effraie les gens quand ils rentrent chez eux « au retour d'une partie de bridge [...] ». En plus, ces affreuses bêtes vident les coffres à bijoux : l'une d'elles porte un collier de perles autour du cou. Kodjo, le sorcier du village — nous sommes au Togo —, sera accusé d'user d'un sordide pouvoir : celui d'hypnotiser les reptiles. Il se réfugiera chez le docteur, lui-même victime de l'intrusion d'un alligator dans sa salle de bains, le suppliant de prendre l'affaire en mains après lui avoir raconté qu'un couple allait se venger de la mort de leur fillette soi-disant occasionnée par l'inefficacité de ses amulettes. Quand la vérité finira par éclater, nous mesurerons combien il est facile de berner les gens...
Les troisième et quatrième histoires se partagent entre l'innocence puérile et la crédulité absurde d'un homme en mal de sauver ses semblables. En premier lieu d'une maison présumée close puis d'un « brigand » au cœur tendre. Le docteur Wilkinson se fera l'apôtre de sentiments grandiloquents, démodés de nos jours. L'honneur chevaleresque, l'honneur de l'estime de soi et des autres. Le dernier récit, écrit par le père de l'auteur, Jacques Thibault, relate cinquante ans plus tard les mésaventures d'un jeune homme durant l'été 1919. Accueilli par des amis de ses parents, dans l'Isère, il s'émerveillera du site qui l'entoure, l'embellissant d'îles inventées, comme celle du comte de Monte-Cristo. Il découvrira dans la chambre du fils de ses hôtes, des disques d'une musique nouvelle en vogue dans les « boîtes parisiennes » : le jazz. Histoire à la fois touchante et cruelle, digne d'un adolescent de l'époque. Le vernisseur, confident de son remords, ne lui dira-t-il pas qu'il est douloureux de devenir un homme... Le contexte situationnel voulait que les étapes de l'existence d'un humain puisent leurs sources dans l'échec d'expériences naïves mais rédemptrices.
Menés par une écriture maîtrisée, ces récits constamment nous font sourire, nous enchantent. Se regroupent des acteurs désignés par leur profession : le banquier, bien que celui-ci apparaisse parfois sous l'appellation amicale du « vieux Harry », le tavernier, le pharmacien, le maire, les clients du tavernier, ceux du banquier. Tous jouent un rôle déterminant, montant chacun à son tour sur les planches imaginaires d'un théâtre dressé par le docteur Wilkilson. Ne devrait-on pas plutôt mentionner un cirque ? En filigrane se profile le père Anton Moore qui, de temps à autre, intervient sous la plume inspirée de l'auteur. Verve intarissable de Vincent Thibault, effets de style brillants qu'il distille à ses personnages, laissant de côté le sérieux d'anecdotes pour le moins cocasses, ne retenant que la fantaisie de trames souvent loufoques. On n'a qu'un vœu à formuler : souhaiter la bienvenue au docteur Wilkinson dans la littérature québécoise !
Les mémoires du docteur Wilkinson, Vincent Thibault
Les éditions de la Pleine Lune, collection « PLUME »
Lachine, 2010, 138 pages
lundi 3 mai 2010
Comme des mains impuissantes *** 1/2
On lit, on entend tellement d'atrocités sur le monde dans lequel nous vivons, qu'il est reposant de se préserver de tout séisme humain. Pour ce faire, on écoute George Gershwin, on fréquente les musées, on se réfugie dans des livres qui en valent la peine. Ainsi, les nouvelles du premier recueil de Camille Allaire, intitulé Celle qui manque, nous persuadent, une fois encore, de l'extrême vulnérabilité de l'être humain.
Textes sensibles, comme des mains serrant un objet fragile. Ils décrivent en deux ou trois pages des instants de vie douloureux, essoufflant chaque personnage lorsqu'il lui faut écarter l'idée d'un malheur possible. Cela ne dure pas longtemps, mais suffisamment pour que les êtres apprivoisés échappent à celui ou celle qui raconte. La nouvelle éponyme, Celle qui manque, donne la parole à une galeriste ; elle se souvient de sa mère en préparant une exposition sur son œuvre. Dans la même veine, nous suivons Gabrielle jusqu'à Barcelone, partie à la recherche de son père. Elle se questionne sur le déroulement de leur première rencontre. Plus loin, une jeune femme désemparée par l'indifférence de ses semblables se croit inutile dans la société qu'elle fréquente. Un seul regard d'intelligence lui procurerait quelque importance. L'éternel conflit mère-fille se ligue Contre Linda. On ne saurait nommer toutes les tentatives que déploient les protagonistes pour éviter la noyade. Les expériences acquises, ces " choses de la vie " agréables mais qui, selon les événements, tournent au cauchemar. Une narratrice « dévastée, dévastée, dévastée », se rappelle le bonheur qu'elle a vécu avec un homme, qui soudainement l'a quittée sans autre forme d'explication que la venue d'une femme bousculant l'ordinaire d'années trop tranquilles.
Dans ce patchwork de nouvelles, nous ébahit l'habileté de Camille Allaire à dépeindre les affres d'hommes et de femmes blessés par une flèche empoisonnée, telle une balle perdue tuant un innocent. L'art de la synthèse habite l'auteure en même temps que d'heureuses trouvailles poétiques adoucissent le sort peu enviable des acteurs qu'elle met en scène. On a aimé que le texte Deux ou trois livres soulage la blessure du narrateur qui, à la suite d'une rupture, déménage, abandonnant une imposante bibliothèque. Détachement des objets quand un pétale de l'existence tombe et fane. La tristesse qui nous sépare nous amène au chevet d'une vieille femme que veille sa petite-fille. Celle-ci imagine la jeunesse rebelle de sa grand-mère voguant par delà les mers, pour rejoindre son amant. Un voilier miniature l'accompagnera dans sa mission périlleuse. Entre tes lèvres et les miennes, dénonce les réflexions amères d'une jeune femme qui n'en peut plus de rencontrer un ami de qui elle est amoureuse. Brusquement ou le geste fatal d'un homme qui a failli commettre un crime sur la femme aimée. Les couleurs se sont emmêlées jusqu'à devenir rouge sang dans sa tête lorsque « tout a explosé. » Plusieurs textes, évoqués d'une manière subtile, laissent le choix au lecteur d'envisager une issue qui lui serait personnelle, peut-être plus paisible.
Au hasard des pages, on s'est arrêté sur les errances de personnages en proie à des tremblements stupéfiés. Comment tolérer le désordre existentiel, et surtout s'en remettre, quand des calamités sordides submergent un quotidien lisse comme une plage de sable blond ? Tôt ou tard, la plage se transforme en un désert hostile où grouillent des bêtes reptiliennes, symbole du malheur risquant de nous abattre. Les nouvelles de Camille Allaire suscitent des mirages trompeurs dans l'âme d'individus déstabilisés, les condamnant aux tourments après les avoir sevrés de bonheur.
C'est un superbe premier recueil que nous offre Camille Allaire. Écrits avec des mots simples, composés de courtes phrases, ces textes concis rassemblent des situations tellement humaines que leur réalité déconcerte. Si la magie empruntée à la fiction donne au recueil force et assurance, la part imaginaire n'empiète jamais sur les interrogations que, l'air de ne pas y toucher, l'auteure pose. On souhaite que Camille Allaire récidive sans tarder, en sachant combien l'art de la nouvelle se tresse de mots essentiels, de pages nourries du talent, plus que prometteur, d'une auteure qui n'en est pas à ses premières armes.
Celle qui manque, Camille Allaire
Éditions Triptyque, Montréal, 2010, 96 pages
Textes sensibles, comme des mains serrant un objet fragile. Ils décrivent en deux ou trois pages des instants de vie douloureux, essoufflant chaque personnage lorsqu'il lui faut écarter l'idée d'un malheur possible. Cela ne dure pas longtemps, mais suffisamment pour que les êtres apprivoisés échappent à celui ou celle qui raconte. La nouvelle éponyme, Celle qui manque, donne la parole à une galeriste ; elle se souvient de sa mère en préparant une exposition sur son œuvre. Dans la même veine, nous suivons Gabrielle jusqu'à Barcelone, partie à la recherche de son père. Elle se questionne sur le déroulement de leur première rencontre. Plus loin, une jeune femme désemparée par l'indifférence de ses semblables se croit inutile dans la société qu'elle fréquente. Un seul regard d'intelligence lui procurerait quelque importance. L'éternel conflit mère-fille se ligue Contre Linda. On ne saurait nommer toutes les tentatives que déploient les protagonistes pour éviter la noyade. Les expériences acquises, ces " choses de la vie " agréables mais qui, selon les événements, tournent au cauchemar. Une narratrice « dévastée, dévastée, dévastée », se rappelle le bonheur qu'elle a vécu avec un homme, qui soudainement l'a quittée sans autre forme d'explication que la venue d'une femme bousculant l'ordinaire d'années trop tranquilles.
Dans ce patchwork de nouvelles, nous ébahit l'habileté de Camille Allaire à dépeindre les affres d'hommes et de femmes blessés par une flèche empoisonnée, telle une balle perdue tuant un innocent. L'art de la synthèse habite l'auteure en même temps que d'heureuses trouvailles poétiques adoucissent le sort peu enviable des acteurs qu'elle met en scène. On a aimé que le texte Deux ou trois livres soulage la blessure du narrateur qui, à la suite d'une rupture, déménage, abandonnant une imposante bibliothèque. Détachement des objets quand un pétale de l'existence tombe et fane. La tristesse qui nous sépare nous amène au chevet d'une vieille femme que veille sa petite-fille. Celle-ci imagine la jeunesse rebelle de sa grand-mère voguant par delà les mers, pour rejoindre son amant. Un voilier miniature l'accompagnera dans sa mission périlleuse. Entre tes lèvres et les miennes, dénonce les réflexions amères d'une jeune femme qui n'en peut plus de rencontrer un ami de qui elle est amoureuse. Brusquement ou le geste fatal d'un homme qui a failli commettre un crime sur la femme aimée. Les couleurs se sont emmêlées jusqu'à devenir rouge sang dans sa tête lorsque « tout a explosé. » Plusieurs textes, évoqués d'une manière subtile, laissent le choix au lecteur d'envisager une issue qui lui serait personnelle, peut-être plus paisible.
Au hasard des pages, on s'est arrêté sur les errances de personnages en proie à des tremblements stupéfiés. Comment tolérer le désordre existentiel, et surtout s'en remettre, quand des calamités sordides submergent un quotidien lisse comme une plage de sable blond ? Tôt ou tard, la plage se transforme en un désert hostile où grouillent des bêtes reptiliennes, symbole du malheur risquant de nous abattre. Les nouvelles de Camille Allaire suscitent des mirages trompeurs dans l'âme d'individus déstabilisés, les condamnant aux tourments après les avoir sevrés de bonheur.
C'est un superbe premier recueil que nous offre Camille Allaire. Écrits avec des mots simples, composés de courtes phrases, ces textes concis rassemblent des situations tellement humaines que leur réalité déconcerte. Si la magie empruntée à la fiction donne au recueil force et assurance, la part imaginaire n'empiète jamais sur les interrogations que, l'air de ne pas y toucher, l'auteure pose. On souhaite que Camille Allaire récidive sans tarder, en sachant combien l'art de la nouvelle se tresse de mots essentiels, de pages nourries du talent, plus que prometteur, d'une auteure qui n'en est pas à ses premières armes.
Celle qui manque, Camille Allaire
Éditions Triptyque, Montréal, 2010, 96 pages
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