Il est des soirées grises nécessaires pour faire le tour de soi-même. Des villes affluent, on les repousse de crainte de s'égarer dans une nostalgie invalidante. Des visages font de même, on trie, de l'enfance à la maturité. On s'appesantit sur des paysages qui n'ont plus cours. Une porte s'ouvre, le présent entre, sourit et devise. On range les souvenances dans une histoire à suivre. On a lu le numéro 145 de la revue littéraire Mœbius.
On regrette de ne pouvoir parler plus souvent de revues littéraires. On sait le temps imparti à piloter un numéro. L'amener à son point d'ancrage. La saison printanière se terminant — les livres se feront rares jusqu'à la rentrée automnale —, on saisit cette brève échappée pour lire ce que propose Lucie Bélanger dans son alléchante présentation. Thème inusité : Comme il vous plaira. Soit une indéniable liberté d'idées, un éventail généreux de mots. Une révérence dynamique à la littérature intimiste.
Comme dans toute revue collective, des textes nous conviennent mieux que d'autres. Des auteurs-es nous émeuvent plus particulièrement. Écrivains et écrivaines possèdent un imaginaire qu'ils abordent en déployant leur style, en fignolant leur écriture, auxquels on est sensible, parfois moins. Lisant au hasard, on s'est rendu compte que, dans ces fictions, le corps tenait une place prépondérante. Il se prête à l'amour, il souffre, il meurt. Le cœur vacille, la mémoire se corrompt. Cela suffit à rédiger une histoire lunaire comme celle de Caroline Legouix, L'écume des saisons. Une jeune femme, clown au CHSLD Angus, de retour chez elle, s'inquiète que le courrier de sa voisine n'ait pas été ramassé. Profitant qu'elle a une clé de son appartement, elle entre, découvre la vieille dame allongée sur son lit, ayant peu conscience de la durée de son malaise... À partir de cet accident du corps usé, les situations déboulent, entraînent la jeune femme dans des actions inopinées. En quelques pages, l'auteure a su dénouer un début de tragédie en une rafraichissante pichenette vers la nouvelle de Natalie Jean qui, elle, pour réconcilier ses semblables, envoie des pétales de fleurs de sa fenêtre du troisième étage sur des quidams qui passent. De quoi séduire Sébastien Chartrand qui propose au lecteur un récit douloureux. Jardin clos. Éliane se tient au chevet de son père qui, depuis deux ans, à la suite d'un accident, est entré dans un coma dépassé. Avec l'accord des médecins, elle a décidé d'interrompre sa vie artificielle. Juste avant ce geste irrémédiable, le père se souvient d'un merveilleux jardin intemporel. La visite, autre narratrice dans un hôpital au chevet de son père, qui se remet lentement d'un AVC. Hélène est triste, elle pleure, elle lui confie que son amoureuse l'a quittée, celle-ci désirant un enfant. Pas elle, Hélène. Son père la rassure, plus tôt dans la journée, pour la première fois, Estelle est passée le voir, la belle femme qu'elle est l'a surpris et séduit. L'avenir précaire se joue sur des promesses réciproques.
Dans ce dédale de textes très riches, telles des heures enluminées, habilement diversifiés, on suit Le chaînon d'or de David Dorais qui met en scène un couple, futurs parents de jumeaux. Une mauvaise nouvelle les attend, l'un des enfants est hydrocéphale. Il mourra, entraînant la mort de son pareil. Une réflexion oratoire englobe cette courte histoire mettant en relief les confidences d'une femme qui, dans sa jeunesse, a aimé le père des jumeaux. Nouvelle déconcertante, le chaînon d'or serait-il synonyme de souffrance inguérissable ? Libérons-nous et poursuivons avec deux récits nostalgiques. Lori Saint-Martin signe Une banquette, un soir. Au retour de chez son amant, Jeanne soupe au restaurant avec son mari, mais un incident alourdit cette soirée, tel un sanglot confiné dans la gorge, que Jeanne retiendrait. Aliénor Debrocq dépeint dans sa Chasse lasse, deux amies d'université qui se retrouvent après tant d'années. L'une aurait souhaité que les choses fussent différentes, l'autre, plus secrète, médite sur les « images lisses et douces [ qui ] se sont brouillées [ ... ] dans le gouffre du temps. » On terminera cette énumération avec la nouvelle d'Adriana Langer, Oui, qui nous a touchée et amusée. On parle de sourires. L'auteure ajoute un brin de philosophie acidulée sur les rapports esthétiques d'un homme et d'une femme, cinquantenaires, qui doivent se rencontrer dans les prochaines heures. Les deux se penchent, angoissés, sur les imperfections de leur corps...
On aurait voulu souligner plus longuement le récit de masse et d'inertie, L'axe libre du carrousel, de Mathieu Blais dont le talent âpre et rebelle ne se dément pas. Le poème de Jacques Audet, Libre pâture, allégorique et sensuel. Le corps blessé de La ballerine de Francine Brunet. D'autres, que l'espace consacré ne permet pas. Toutefois, on a été subjuguée par la clarté rigoureuse de l'écriture de chacun et chacune, par le style incisif ou délié, jamais morne, s'ajustant à des sujets distincts. Cependant, comme après s'être ébroués dans une eau tumultueuse, remonte en surface le pathétisme des corps, trahis par les âges qu'ils traversent, les tracas qu'ils subissent, qui les abîment. Les personnages, souvent saisis sur le vif, ne font aucune concession à la plume déterminée qui les dirige. Inspirante et lucide. Grave ou moqueuse. Toujours prégnante.
On félicite Lucie Bélanger pour la conformité soignée de ce numéro exceptionnel, tous les textes finissant par se recouper. On mentionne les illustrations de Claude Chaussard, qui rehaussent avec éclat l'ensemble du recueil. Tant sur la page couverture que dans les pages intérieures.
Mœbius, numéro 145
Piloté par Lucie Bélanger
Montréal, 2015, 160 pages
Critique de livres, romans, nouvelles, récits.
Écrire est un acte d'amour. S'il ne l'est pas, il n'est qu'écriture. Jean Cocteau
lundi 22 juin 2015
lundi 15 juin 2015
Des femmes sans fleurs ***
Après avoir lu un roman très enrichissant, on craint de ne pouvoir en trouver un semblable dans la pile qui s'accumule à nos côtés. On redoute notre jugement subjectif, manière injuste de repousser un livre qui nous tend ses pages, son histoire. On vise alors un roman qui nous distraira, avant de nous replier sur une nécessaire réflexion. On parle du premier recueil de nouvelles de Joanie Lemieux, Les trains sous l'eau prennent-ils encore des passagers ?
Comme nous l'a fait remarquer l'une de nos fidèles lectrices, ces dernières semaines on a analysé plusieurs romans singuliers. Cette fois, on se penche sur dix textes aux allures adolescentes, encombrés d'incertitudes que fait naître une jeunesse peu assumée, ne sachant pas encore vers qui chercher quelque réconfort, espérer un refuge. Dire des états d'âme serait inexact, on craindrait que ces jeunes femmes, qu'elles se prénomment Marie-Ève ou Victoria, ne se rebiffent dans un éclat de rire. On aimerait, parce qu'elles sont fragiles, au bord des larmes, confinées à l'orée de l'enfance.
Qui sont ces passagères invitées à monter à bord de trains aquatiques ? On en a repéré quelques-unes desquelles on parlera brièvement, leurs intentions parfois trop hésitantes pour les suivre, elles nous échappent. Une mère, qui a perdu son fils dans un accident, se remémore l'enfant qu'il a été, plus tard, le jeune homme, amateur de bandes dessinées. Le rêve d'absence éternelle qu'il a inscrit dans l'esprit de sa mère permet à celle-ci de survivre. Sous le grand X, la nouvelle la mieux réussie, surtout la plus travaillée du recueil. Itinéraires nous renvoie l'image d'une ado anorexique. Elle est étudiante au secondaire, elle observe ceux et celles qui la côtoient, les bruits se démultiplient, font écho à sa faim. Elle a un idéal esthétique, les mannequins dans les magazines qu'elle feuillette. Le récit Miroirs nous renvoie à Marie-Ève, qui a recours au pays des merveilles d'Alice pour se remettre d'un chagrin amoureux, éprouvé il y a plusieurs années. Elle travaille machinalement dans une animalerie, elle voit beaucoup de gens, personne ne l'attire en particulier. Pièces détachées en compagnie de Roxane qui désire un enfant de Vincent, qui n'en veut pas. Elle a commis une erreur en pensant qu'une fois enceinte, son amant reviendrait sur sa décision. Il l'a quittée. Écumes, ou une vieille femme esseulée dans un mouroir. De sa fenêtre, elle voit la « petite plage » qui la plonge dans un drame survenu cinquante ans auparavant. Le père est mort sur un chantier, la mère tricote pour « mettre du pain et du beurre sur la table. » Plusieurs prétendants tournent autour de la mère, elle les repousse. Puis, il y a eu Monsieur Henri... Cendres, Victoria est née avec un auriculaire manquant. Rien de grave mais sa jeunesse sera déterminée par ce handicap. Différente, incomplète, croit-elle, elle s'invente un ami imaginaire avec qui elle partage ses jeux, ses rêves. Passé et présent se confondent, se diluent dans d'autres rêves, ceux-ci jamais réalisés. La maison brûle, mais qui ne renaît pas de ses cendres ? Huitième voyage. Dans son village, Laurence mène la vie monotone de femme au foyer. Son mari, bureaucrate, comprendra enfin que sa femme s'ennuie, il lui proposera une croisière en Méditerranée. Les livres d'enfance assoupis dans un sous-sol éveillent d'anciens désirs. La neige et Noël invitent à la nostalgie.
Certains récits n'ont pas été cités, non par négligence, mais parce que leur envolée psychologique se ressemble. Il y est question de jeunes femmes qui n'ont pas fini de grandir, à l'affût d'une réalité, la leur, parfois lassante. Après avoir lu ces courtes fictions, on a saisi la métaphore du titre. Quelque part, un train imaginaire recueille, réfugiées dans la gare remplie de leur déception, des jeunes filles languides qui, contrairement à celles de Proust, ne serrent aucune fleur contre leur cœur désœuvré. Train qui se dissout dans la mer. Pourquoi au juste ? Nous ne savons trop. L'onirisme propice à s'évader du village pour faire place aux rumeurs de la ville, y passer inaperçue ? Étrangement, la plupart de ces femmes s'identifient entre elles, se recoupent sans aucun relief. L'écriture, elliptique, convient plaisamment à relater ces chimériques et fugitifs déboires, bien qu'un resserrement de l'ensemble eût apporté une rigueur stylistique, affermi la personnalité de protagonistes qui ont tendance à se complaire dans de discutables malheurs. Le rêve est-il conçu pour se couper du monde réel ? Le lecteur en doute, des millions de femmes au sort peu enviable, ne pouvant se satisfaire de névrotiques rabâchages.
Les trains sous l'eau prennent-ils encore des passagers ? Joanie Lemieux
Lévesque éditeur, Montréal, 2015, 129 pages
Comme nous l'a fait remarquer l'une de nos fidèles lectrices, ces dernières semaines on a analysé plusieurs romans singuliers. Cette fois, on se penche sur dix textes aux allures adolescentes, encombrés d'incertitudes que fait naître une jeunesse peu assumée, ne sachant pas encore vers qui chercher quelque réconfort, espérer un refuge. Dire des états d'âme serait inexact, on craindrait que ces jeunes femmes, qu'elles se prénomment Marie-Ève ou Victoria, ne se rebiffent dans un éclat de rire. On aimerait, parce qu'elles sont fragiles, au bord des larmes, confinées à l'orée de l'enfance.
Qui sont ces passagères invitées à monter à bord de trains aquatiques ? On en a repéré quelques-unes desquelles on parlera brièvement, leurs intentions parfois trop hésitantes pour les suivre, elles nous échappent. Une mère, qui a perdu son fils dans un accident, se remémore l'enfant qu'il a été, plus tard, le jeune homme, amateur de bandes dessinées. Le rêve d'absence éternelle qu'il a inscrit dans l'esprit de sa mère permet à celle-ci de survivre. Sous le grand X, la nouvelle la mieux réussie, surtout la plus travaillée du recueil. Itinéraires nous renvoie l'image d'une ado anorexique. Elle est étudiante au secondaire, elle observe ceux et celles qui la côtoient, les bruits se démultiplient, font écho à sa faim. Elle a un idéal esthétique, les mannequins dans les magazines qu'elle feuillette. Le récit Miroirs nous renvoie à Marie-Ève, qui a recours au pays des merveilles d'Alice pour se remettre d'un chagrin amoureux, éprouvé il y a plusieurs années. Elle travaille machinalement dans une animalerie, elle voit beaucoup de gens, personne ne l'attire en particulier. Pièces détachées en compagnie de Roxane qui désire un enfant de Vincent, qui n'en veut pas. Elle a commis une erreur en pensant qu'une fois enceinte, son amant reviendrait sur sa décision. Il l'a quittée. Écumes, ou une vieille femme esseulée dans un mouroir. De sa fenêtre, elle voit la « petite plage » qui la plonge dans un drame survenu cinquante ans auparavant. Le père est mort sur un chantier, la mère tricote pour « mettre du pain et du beurre sur la table. » Plusieurs prétendants tournent autour de la mère, elle les repousse. Puis, il y a eu Monsieur Henri... Cendres, Victoria est née avec un auriculaire manquant. Rien de grave mais sa jeunesse sera déterminée par ce handicap. Différente, incomplète, croit-elle, elle s'invente un ami imaginaire avec qui elle partage ses jeux, ses rêves. Passé et présent se confondent, se diluent dans d'autres rêves, ceux-ci jamais réalisés. La maison brûle, mais qui ne renaît pas de ses cendres ? Huitième voyage. Dans son village, Laurence mène la vie monotone de femme au foyer. Son mari, bureaucrate, comprendra enfin que sa femme s'ennuie, il lui proposera une croisière en Méditerranée. Les livres d'enfance assoupis dans un sous-sol éveillent d'anciens désirs. La neige et Noël invitent à la nostalgie.
Certains récits n'ont pas été cités, non par négligence, mais parce que leur envolée psychologique se ressemble. Il y est question de jeunes femmes qui n'ont pas fini de grandir, à l'affût d'une réalité, la leur, parfois lassante. Après avoir lu ces courtes fictions, on a saisi la métaphore du titre. Quelque part, un train imaginaire recueille, réfugiées dans la gare remplie de leur déception, des jeunes filles languides qui, contrairement à celles de Proust, ne serrent aucune fleur contre leur cœur désœuvré. Train qui se dissout dans la mer. Pourquoi au juste ? Nous ne savons trop. L'onirisme propice à s'évader du village pour faire place aux rumeurs de la ville, y passer inaperçue ? Étrangement, la plupart de ces femmes s'identifient entre elles, se recoupent sans aucun relief. L'écriture, elliptique, convient plaisamment à relater ces chimériques et fugitifs déboires, bien qu'un resserrement de l'ensemble eût apporté une rigueur stylistique, affermi la personnalité de protagonistes qui ont tendance à se complaire dans de discutables malheurs. Le rêve est-il conçu pour se couper du monde réel ? Le lecteur en doute, des millions de femmes au sort peu enviable, ne pouvant se satisfaire de névrotiques rabâchages.
Les trains sous l'eau prennent-ils encore des passagers ? Joanie Lemieux
Lévesque éditeur, Montréal, 2015, 129 pages
lundi 8 juin 2015
Une automobile ronronnante ****
On aime les fins de semaine qui nous éloignent de l'ordinateur, de lectures professionnelles. On flâne, on discipline notre tendance à rédiger des histoires qu'on raconte à d'autres. On les redéfinit pour que la réflexion subsiste au désordre de l'esprit vagabond, celui-ci s'épivardant au gré d'une joie de vivre que nous devons souvent à une tierce personne. Parlons du roman de Grégoire Courtois, Suréquipée.
Amateurs de science-fiction, n'hésitez pas à vous téléporter en l'an 3001 — clin d'œil à l'an 2001 connoté par Stanley Kubrick ? —, vous y conduirez une voiture organique, si proche des fantasmes subversifs de l'humain, qu'elle vous troublera au-delà de ce qu'il est convenu d'espérer d'un bolide ordinaire. Odyssée terrestre, et non spatiale, bien que le comportement de la machine artificiellement intelligente, élaborée par Grégoire Courtois, nous ait rappelé Hal, l'ordinateur inventé par l'écrivain Arthur C. Clarke. L'histoire est loin d'être banale, on avancera qu'elle fait réfléchir, sinon frémir. Si les humains ne semblent pas avoir beaucoup évolué en ce deuxième millénaire, il n'en est pas de même pour les transports individuels. Dans un laboratoire de Renault-PSA, sont réunis le professeur Fransen, ingénieur généticien, concepteur de la BlackJag, voiture révolutionnaire, elle aussi présente, et l'huissier Klein, ce dernier enquêtant sur la disparition du conducteur de cette merveille organique.
L'automobile achetée par Antoine Donnat, sept ans plus tôt, s'avère un prototype qui a fait le tour du monde et du public pour des raisons publicitaires, démonstratives. Avec une affection dissimulée mais une inquiétude non feinte, que détecte son modèle, le professeur Fransen doit interroger la mémoire synthétique de l'engin, celui-ci ayant été le dernier à voir son propriétaire. À l'aide d'une console d'interprétation, prénommée Jane, les données brutes de l'automobile sont transcrites puis formulées. Si Klein ne met pas en doute les capacités intellectuelles du véhicule, Fransen, cependant, lui demande : Pouvons-nous penser sans langage ? Question fondamentale réservée aux philosophes, Fransen étant un scientifique. La voiture, elle, effectue des recherches dans sa base mémorielle sur ses rapports pour le moins déroutants qu'elle entretenait avec Antoine Donnat et sa femme.
Pour mieux captiver — séduire ? — le lecteur, passé et présent fusionnent. Pendant que Fransen et Klein débattront de la responsabilité de l'automobile dans la disparition de son conducteur, le lecteur aura droit, antérieurement, aux composantes du véhicule. Son langage, transmis par Jane, est particulier, précis, le bureau d'éthique interdisant les appellations humaines : sentiments, pensées, souvenirs. Mentionnons "données" "flux informationnel" et autres termes sophistiqués mais neutres. Nous apprendrons que la merveille est capable de ronronner si une personne gratte tendrement son toit. Elle a des pattes et non des roues, pas un moteur mais des organes. Sa carrosserie, un pelage sombre hérité directement des panthères noires. Elle possède huit paires d'yeux répartis sur toutes ses faces. Acuité visuelle qu'elle doit à l'aigle royal, plus exactement au hibou grand duc. Sous son pelage, des centaines de points noirs, organes sensitifs présents chez les requins et les raies, conçus pour différencier des obstacles vivants des obstacles inertes. On ne nommera pas tous les éléments animaux et humains que possède cette voiture hors du commun. Ils étonneront, rebuteront ou charmeront le lecteur. Pour notre part, ils nous ont joyeusement sidérée...
Jusque là rien de répréhensible mais quand Jane verbalise la relation que la belle organique a créée avec Antoine Donnat, on se dit que l'écrivain, Grégoire Courtois, n'aurait su mieux dépeindre la dépendance affective existant entre cet homme et une femme. Sensualité et désir se confondent dans l'esprit surmené d'Antoine, turbulences sexuelles que la voiture ne parvient pas à analyser. Elle accomplira ce qu'elle croira être pour le mieux, tragiquement bien sûr. Quant à Klein, témoin gênant à la suite de certaines révélations émises par Jane, il doit être soustrait à la concupiscence de concurrents d'automobiles qui, racoleurs insatiables, vautours affamés, ont envoyé Gwenny, l'une de leur égérie espionne, en mission. Ce qui vaudra à la jeune femme une place de choix dans le moteur du bolide, concoctée par le professeur Fransen.
C'est un roman superbement imaginé. Déversant un regard peu rassurant, quoique inchangé, sur la société industrielle de demain. Les arguments logiques fournis par Grégoire Courtois s'avèrent infaillibles quand il s'agit de démystifier les plis sinueux du système mémoriel d'un véhicule ingénieux, qui n'a pas saisi des faits conséquents s'étant produits malgré lui. Il fallait oser s'aventurer dans les méandres sensitifs, émotifs d'une voiture peu conventionnelle, jouer les savants machiavéliques se faisant le complice à la fois de l'automobile et du généticien Fransen. Des séquences admirables traitant d'émotions humaines captées par un objet vivant, haut de gamme, nous ont profondément émue. Une femme amoureuse n'aurait su réagir différemment. On a lu avec enthousiasme cette histoire mythique, apprécié les connaissances scientifiques et philosophiques de l'écrivain, les unes et les autres étant indispensables au déroulement de l'intrigue aux rebondissements déconcertants, au dénouement insoupçonné, toutefois ouvert à la fantaisie du lecteur. La manipulation de vie artificielle atteint ici son paroxysme. Comment regarder les voitures circuler sans se poser d'inquisitrices questions ? Grégoire Courtois, auteur de ce roman à la visée futuriste, a su déranger nos préceptes moraux, mécaniques, ce qui n'est pas rien.
Suréquipée, Grégoire Courtois
Le Quartanier Éditeur, Montréal, 2015, 150 pages
Amateurs de science-fiction, n'hésitez pas à vous téléporter en l'an 3001 — clin d'œil à l'an 2001 connoté par Stanley Kubrick ? —, vous y conduirez une voiture organique, si proche des fantasmes subversifs de l'humain, qu'elle vous troublera au-delà de ce qu'il est convenu d'espérer d'un bolide ordinaire. Odyssée terrestre, et non spatiale, bien que le comportement de la machine artificiellement intelligente, élaborée par Grégoire Courtois, nous ait rappelé Hal, l'ordinateur inventé par l'écrivain Arthur C. Clarke. L'histoire est loin d'être banale, on avancera qu'elle fait réfléchir, sinon frémir. Si les humains ne semblent pas avoir beaucoup évolué en ce deuxième millénaire, il n'en est pas de même pour les transports individuels. Dans un laboratoire de Renault-PSA, sont réunis le professeur Fransen, ingénieur généticien, concepteur de la BlackJag, voiture révolutionnaire, elle aussi présente, et l'huissier Klein, ce dernier enquêtant sur la disparition du conducteur de cette merveille organique.
L'automobile achetée par Antoine Donnat, sept ans plus tôt, s'avère un prototype qui a fait le tour du monde et du public pour des raisons publicitaires, démonstratives. Avec une affection dissimulée mais une inquiétude non feinte, que détecte son modèle, le professeur Fransen doit interroger la mémoire synthétique de l'engin, celui-ci ayant été le dernier à voir son propriétaire. À l'aide d'une console d'interprétation, prénommée Jane, les données brutes de l'automobile sont transcrites puis formulées. Si Klein ne met pas en doute les capacités intellectuelles du véhicule, Fransen, cependant, lui demande : Pouvons-nous penser sans langage ? Question fondamentale réservée aux philosophes, Fransen étant un scientifique. La voiture, elle, effectue des recherches dans sa base mémorielle sur ses rapports pour le moins déroutants qu'elle entretenait avec Antoine Donnat et sa femme.
Pour mieux captiver — séduire ? — le lecteur, passé et présent fusionnent. Pendant que Fransen et Klein débattront de la responsabilité de l'automobile dans la disparition de son conducteur, le lecteur aura droit, antérieurement, aux composantes du véhicule. Son langage, transmis par Jane, est particulier, précis, le bureau d'éthique interdisant les appellations humaines : sentiments, pensées, souvenirs. Mentionnons "données" "flux informationnel" et autres termes sophistiqués mais neutres. Nous apprendrons que la merveille est capable de ronronner si une personne gratte tendrement son toit. Elle a des pattes et non des roues, pas un moteur mais des organes. Sa carrosserie, un pelage sombre hérité directement des panthères noires. Elle possède huit paires d'yeux répartis sur toutes ses faces. Acuité visuelle qu'elle doit à l'aigle royal, plus exactement au hibou grand duc. Sous son pelage, des centaines de points noirs, organes sensitifs présents chez les requins et les raies, conçus pour différencier des obstacles vivants des obstacles inertes. On ne nommera pas tous les éléments animaux et humains que possède cette voiture hors du commun. Ils étonneront, rebuteront ou charmeront le lecteur. Pour notre part, ils nous ont joyeusement sidérée...
Jusque là rien de répréhensible mais quand Jane verbalise la relation que la belle organique a créée avec Antoine Donnat, on se dit que l'écrivain, Grégoire Courtois, n'aurait su mieux dépeindre la dépendance affective existant entre cet homme et une femme. Sensualité et désir se confondent dans l'esprit surmené d'Antoine, turbulences sexuelles que la voiture ne parvient pas à analyser. Elle accomplira ce qu'elle croira être pour le mieux, tragiquement bien sûr. Quant à Klein, témoin gênant à la suite de certaines révélations émises par Jane, il doit être soustrait à la concupiscence de concurrents d'automobiles qui, racoleurs insatiables, vautours affamés, ont envoyé Gwenny, l'une de leur égérie espionne, en mission. Ce qui vaudra à la jeune femme une place de choix dans le moteur du bolide, concoctée par le professeur Fransen.
C'est un roman superbement imaginé. Déversant un regard peu rassurant, quoique inchangé, sur la société industrielle de demain. Les arguments logiques fournis par Grégoire Courtois s'avèrent infaillibles quand il s'agit de démystifier les plis sinueux du système mémoriel d'un véhicule ingénieux, qui n'a pas saisi des faits conséquents s'étant produits malgré lui. Il fallait oser s'aventurer dans les méandres sensitifs, émotifs d'une voiture peu conventionnelle, jouer les savants machiavéliques se faisant le complice à la fois de l'automobile et du généticien Fransen. Des séquences admirables traitant d'émotions humaines captées par un objet vivant, haut de gamme, nous ont profondément émue. Une femme amoureuse n'aurait su réagir différemment. On a lu avec enthousiasme cette histoire mythique, apprécié les connaissances scientifiques et philosophiques de l'écrivain, les unes et les autres étant indispensables au déroulement de l'intrigue aux rebondissements déconcertants, au dénouement insoupçonné, toutefois ouvert à la fantaisie du lecteur. La manipulation de vie artificielle atteint ici son paroxysme. Comment regarder les voitures circuler sans se poser d'inquisitrices questions ? Grégoire Courtois, auteur de ce roman à la visée futuriste, a su déranger nos préceptes moraux, mécaniques, ce qui n'est pas rien.
Suréquipée, Grégoire Courtois
Le Quartanier Éditeur, Montréal, 2015, 150 pages
lundi 1 juin 2015
Voyage d'une âme errante *** 1/2
Pour répondre à la question de plusieurs lectrices et lecteurs assidus, on aimerait écrire plus de critiques, en publier davantage. On ne le peut, d'autres engagements professionnels parcellisent notre temps en plages extrêmement occupées. Et comme pour tout un chacun, le quotidien exige qu'on lui réserve sa part de besogne, sans pour autant le réduire à une corvée insipide. On regrette de ne pouvoir faire mieux. On parle du dernier roman de Marie-Pascale Huglo, La fille d'Ulysse.
De retour d'un voyage tumultueux qui aura duré six mois, une jeune fille, légèrement boiteuse, écrit ce dont elle croit se souvenir. Elle vit sur une île innommée sur la carte du monde, avec Leena, sa sœur jumelle « dissemblable ». Le jour de leur seize ans, la mère les a mises à la porte, décrétant que ses filles étaient suffisamment affranchies pour vivre seules. Elles sont couturières et bâtardes. L'une rêve d'orfèvrerie, l'autre d'une librairie. L'adolescente largue Nolan, premier amant maladroit, s'empare de sa bicyclette, d'une pile de livres — dont l'Odyssée d'Homère —, de son passeport puis, pédale plusieurs heures pour rejoindre le « douanier-brigand » qui la fera embarquer sur un cargo de ravitaillement où voyagent plusieurs clandestins, ce qu'elle ignore. Après des jours terrifiants, enfermée à fond de cale, elle aborde un étrange continent qui se veut un monde nouveau. Une île surgie de l'océan, marécageuse, constituée de déchets. Comme il se doit, un gourou la gouverne, entouré d'adeptes savants venus analyser les substances mouvantes du terrain. Camille — prénom d'emprunt — fera la connaissance d'individus qui ne valent pas mieux que les touristes essaimant l'île natale. Un homme la subjuguera, Nil, dont elle fera son amant mais, très vite, elle découvrira qu'il la trompe avec Nelly, biochimiste. Peu scrupuleux, avec la complicité de Nelly, Nil utilisera Camille à une fin sordide. À la suite de cette trahison et d'une bagarre épique, elle décide de quitter ce lieu nauséabond. Le hasard la secourant, Camille échouera à Gênes avec un ancien volontaire italien, échappé lui aussi du continent neuf. N'étant pas au bout de ses peines, ni d'une flopée de péripéties, l'adolescente, tel Ulysse à son retour de Troie, doit se faire reconnaître de sa sœur Leena, de son ex-amant Nolan. Les événements se mettant en place, la vie reprendra timidement son cours, autant friable que le sol du continent neuf, englouti au fond de l'océan.
On ne donne ici qu'un bref résumé de cette histoire tourbillonnante, écrite sur fond d'incertitudes, au fil des souvenances malmenées de la narratrice. Nous savons que ce qui a été vécu, et narré plus tard, nous emporte dans une réalité discordante. Ainsi, mentionné discrètement à plusieurs reprises, se profile le père qui a abandonné la mère et les fillettes quand elles avaient deux ans. Si la mère l'a banni de son existence, Camille se rappelle sa blondeur, sa tendresse. Leena, préoccupée par ses amours éphémères, ne fait cas de cette absence parentale. Le désir de fuite de Camille la pousse à retracer l'ombre paternelle, prétexte à assouvir un manque d'horizon qui, une fois exploré, la fera grandir, la ramènera à son point de départ. Les voyages, aussi houleux soient-ils, ne signifient-ils pas faire le tour d'une chambre imaginaire puis, tourner en rond autour de soi ? Camille s'étourdira à se mirer dans le reflet évanescent d'un père irresponsable.
Nul n'a manqué de comparer ce roman au dernier de Nicolas Dickner, Six degrés de liberté, les espaces marins internationaux étant sillonnés de voyageurs clandestins, à bord de bateaux de fortune ou de containers bien souvent meurtriers. Toutefois, la jeune fille dépeinte par Marie-Pascale Huglo s'en va découvrir le monde, guidée par une impulsion qu'elle ne sait contrôler, contrairement à Lisa, protagoniste féminin de Dickner, qui, aidée d'un génie de l'informatique, organise un périple, planquée dans un container spécialement aménagé. Le regard des deux adolescentes diverge sur les êtres humains, Lisa voulant leur échapper contrairement à Camille qui bouscule et dérange. Chaparde les bien-pensants de ce « bas monde », combat les entraves. Ne se dit-elle pas descendante de pirates ? Nyctalope, elle renifle les crapuleux desseins de ses semblables, s'en délivre en fracassant les apparences, en enfonçant les portes qui lui résistent. Les héroïnes de ces deux romans ont quelque chose en commun, à la Dickner, à la Huglo. Froideur analytique du premier, sensualité réaliste du deuxième. L'un est regard d'homme, l'autre regard de femme.
De nombreux oxymores parsèment le récit de Marie-Pascale Huglo. Légèreté et gravité. Tendresse et violence. Rêves et cauchemars. L'écriture, à la fois baroque et savoureuse, diligente les ambitions de Camille. Celle-ci erre en fabulant malgré elle sur la quête du père, sur un avenir improbable. Pourquoi ne pas repartir visiter un monde palpable, un monde duquel elle s'évaderait si cela était possible ? L'humour constant de la narration dissimule à peine les grandes dispersions de notre univers moderne. Si une âme errante invite le lecteur à la suivre dans son questionnement, elle nous propulse au-delà de perspectives à notre portée, comme si le « continent neuf », offert aux pires convoitises, nous révélait que nous ne nous évadons de nulle part, que ce soit d'un container aménagé pour le mieux ou claustré à fond de cale d'un cargo de marchandises.
Si nous lisons ce roman au cours d'une croisière traditionnelle, l'authenticité de ses sentiments, embellie d'ardeurs lascives juvéniles, ses qualités littéraires, donneront au lecteur l'envie de sortir sa jumelle marine. Peut-être qu'au bout de l'horizon se dessinerait un cargo chargé de containers, avec à son bord deux adolescentes insoumises, en mal de tous les dépaysements...
La fille d'Ulysse, Marie-Pascale Huglo
Leméac Éditeur, Montréal, 2015, 216 pages.
De retour d'un voyage tumultueux qui aura duré six mois, une jeune fille, légèrement boiteuse, écrit ce dont elle croit se souvenir. Elle vit sur une île innommée sur la carte du monde, avec Leena, sa sœur jumelle « dissemblable ». Le jour de leur seize ans, la mère les a mises à la porte, décrétant que ses filles étaient suffisamment affranchies pour vivre seules. Elles sont couturières et bâtardes. L'une rêve d'orfèvrerie, l'autre d'une librairie. L'adolescente largue Nolan, premier amant maladroit, s'empare de sa bicyclette, d'une pile de livres — dont l'Odyssée d'Homère —, de son passeport puis, pédale plusieurs heures pour rejoindre le « douanier-brigand » qui la fera embarquer sur un cargo de ravitaillement où voyagent plusieurs clandestins, ce qu'elle ignore. Après des jours terrifiants, enfermée à fond de cale, elle aborde un étrange continent qui se veut un monde nouveau. Une île surgie de l'océan, marécageuse, constituée de déchets. Comme il se doit, un gourou la gouverne, entouré d'adeptes savants venus analyser les substances mouvantes du terrain. Camille — prénom d'emprunt — fera la connaissance d'individus qui ne valent pas mieux que les touristes essaimant l'île natale. Un homme la subjuguera, Nil, dont elle fera son amant mais, très vite, elle découvrira qu'il la trompe avec Nelly, biochimiste. Peu scrupuleux, avec la complicité de Nelly, Nil utilisera Camille à une fin sordide. À la suite de cette trahison et d'une bagarre épique, elle décide de quitter ce lieu nauséabond. Le hasard la secourant, Camille échouera à Gênes avec un ancien volontaire italien, échappé lui aussi du continent neuf. N'étant pas au bout de ses peines, ni d'une flopée de péripéties, l'adolescente, tel Ulysse à son retour de Troie, doit se faire reconnaître de sa sœur Leena, de son ex-amant Nolan. Les événements se mettant en place, la vie reprendra timidement son cours, autant friable que le sol du continent neuf, englouti au fond de l'océan.
On ne donne ici qu'un bref résumé de cette histoire tourbillonnante, écrite sur fond d'incertitudes, au fil des souvenances malmenées de la narratrice. Nous savons que ce qui a été vécu, et narré plus tard, nous emporte dans une réalité discordante. Ainsi, mentionné discrètement à plusieurs reprises, se profile le père qui a abandonné la mère et les fillettes quand elles avaient deux ans. Si la mère l'a banni de son existence, Camille se rappelle sa blondeur, sa tendresse. Leena, préoccupée par ses amours éphémères, ne fait cas de cette absence parentale. Le désir de fuite de Camille la pousse à retracer l'ombre paternelle, prétexte à assouvir un manque d'horizon qui, une fois exploré, la fera grandir, la ramènera à son point de départ. Les voyages, aussi houleux soient-ils, ne signifient-ils pas faire le tour d'une chambre imaginaire puis, tourner en rond autour de soi ? Camille s'étourdira à se mirer dans le reflet évanescent d'un père irresponsable.
Nul n'a manqué de comparer ce roman au dernier de Nicolas Dickner, Six degrés de liberté, les espaces marins internationaux étant sillonnés de voyageurs clandestins, à bord de bateaux de fortune ou de containers bien souvent meurtriers. Toutefois, la jeune fille dépeinte par Marie-Pascale Huglo s'en va découvrir le monde, guidée par une impulsion qu'elle ne sait contrôler, contrairement à Lisa, protagoniste féminin de Dickner, qui, aidée d'un génie de l'informatique, organise un périple, planquée dans un container spécialement aménagé. Le regard des deux adolescentes diverge sur les êtres humains, Lisa voulant leur échapper contrairement à Camille qui bouscule et dérange. Chaparde les bien-pensants de ce « bas monde », combat les entraves. Ne se dit-elle pas descendante de pirates ? Nyctalope, elle renifle les crapuleux desseins de ses semblables, s'en délivre en fracassant les apparences, en enfonçant les portes qui lui résistent. Les héroïnes de ces deux romans ont quelque chose en commun, à la Dickner, à la Huglo. Froideur analytique du premier, sensualité réaliste du deuxième. L'un est regard d'homme, l'autre regard de femme.
De nombreux oxymores parsèment le récit de Marie-Pascale Huglo. Légèreté et gravité. Tendresse et violence. Rêves et cauchemars. L'écriture, à la fois baroque et savoureuse, diligente les ambitions de Camille. Celle-ci erre en fabulant malgré elle sur la quête du père, sur un avenir improbable. Pourquoi ne pas repartir visiter un monde palpable, un monde duquel elle s'évaderait si cela était possible ? L'humour constant de la narration dissimule à peine les grandes dispersions de notre univers moderne. Si une âme errante invite le lecteur à la suivre dans son questionnement, elle nous propulse au-delà de perspectives à notre portée, comme si le « continent neuf », offert aux pires convoitises, nous révélait que nous ne nous évadons de nulle part, que ce soit d'un container aménagé pour le mieux ou claustré à fond de cale d'un cargo de marchandises.
Si nous lisons ce roman au cours d'une croisière traditionnelle, l'authenticité de ses sentiments, embellie d'ardeurs lascives juvéniles, ses qualités littéraires, donneront au lecteur l'envie de sortir sa jumelle marine. Peut-être qu'au bout de l'horizon se dessinerait un cargo chargé de containers, avec à son bord deux adolescentes insoumises, en mal de tous les dépaysements...
La fille d'Ulysse, Marie-Pascale Huglo
Leméac Éditeur, Montréal, 2015, 216 pages.
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