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lundi 4 janvier 2021

Des histoires au désordre du jour *** 1/2

 


G. nous dit de sa voix rocailleuse, toujours passionnée, qu'elle n'en a pas fini avec l'existence, malgré son grand âge. On la croit, on admire sa vitalité, sa façon de prendre les gens à rebrousse-poil, de détricoter leurs convictions. Se réjouissant que la pandémie ait mis à terre les certitudes de plusieurs, leur rappelant que la vie est faite de petits émerveillements qu'il faut savourer quand ils se présentent. On a lu les contes cruels d'Alain Raimbault, Sans gravité.

Les contes de Charles Perrault, des frères Grimm, de Hans Christian Andersen — nos préférés —, les contes de fées de la comtesse de Ségur, tant de contes citadins et ruraux, sans oublier les merveilleux contes arabes des Mille et Une Nuits. Tous ces contes ont traversé notre esprit en lisant ceux d'un écrivain de notre époque. Si ce genre s'avère la représentation d'un monde qui n'est plus, on se pose la question à savoir ce qui se passe dans la tête d'un individu pour en arriver aux pires extrémités. Notre société est-elle devenue à ce point aberrante pour s'inspirer de la cruauté de certains êtres, rassembler leurs actes démoniaques, en composer un recueil aux apparences fictives ? Ce que nous propose généreusement Alain Raimbault, écrivain remarqué pour ses nombreux livres de jeunesse, poésie, et divers genres fictionnels. Bref rappel pour nous mettre dans l'ambiance inquiétante de ses textes.

La préface du médiéviste et romancier Richard Tabbi nous ouvre les pages d'un premier conte qui remonte à la Première Guerre mondiale. Un sergent français, Martin Schwartz, cherche à se venger d'un soldat allemand avec qui, en temps de paix, il a établi un rapport commercial. Il exporte du vin blanc dans des pays européens, et pour agrandir son marché, il a proposé ses liqueurs alcoolisées à l'Allemand Hans Keller qui a accepté d'essayer des vins rouges « plus doux, plus civilisés. » À la suite de cette entente, Hans Keller a emprunté de l'argent, beaucoup d'argent à Martin Schwartz, emprunt qui l'a rendu sceptique. Il finit par lui rendre visite, une surprise attend l'exportateur qui, crédule, rencontrait Hans une fois par mois en amoureux, risquant le chantage de l'Allemand auprès de sa famille. Malheureusement pour Martin, sa situation, commerciale et amoureuse, ira de mal en pis. Le hasard faisant et défaisant certaines situations compromettantes, Martin profitera de cette guerre pour demander des comptes à son ex-amant. La fin de l'aventure est surprenante. Un meurtre prémédité, un nouveau départ vers la fortune. Martin Schwartz se réjouit des bienfaits de la guerre. On commente ces récits d'une manière désordonnée, prenant le temps de savourer des situations insolites. Pas de continuité romanesque. On aborde l'histoire pathétique de Mickey Ram. Mari et père heureux, soudain, il se retrouve à goûter « l'amère solitude des hommes délaissés. » Betty, sa conjointe, a claqué la porte pour plus jeune et plus beau. Mickey Ram, professeur de mathématiques et de sciences, malgré les attentions solidaires de ses collègues, s'enfonce dans une profonde dépression. Cinq ans plus tard, il ne va pas mieux. L'écrivain dépeint ses occupations quotidiennes, ordinaires, qui font de cet homme, professeur autrefois respecté, une loque de la société, un instable de la polyvalente où il enseigne. Son comportement agressif alimente un monde dans lequel il s'est enfermé, refusant la bienveillance de ses supérieurs, qui lui suggèrent de retraiter. Proposition qu'il devra accepter, victime, sera-t-il persuadé, d'une terrible injustice. Sa vengeance reflète ces êtres qui, aujourd'hui, n'ont pas suffisamment de ressources mentales pour admettre leur échec professionnel. La majorité de ces histoires repose sur la défaite humaine, sur l'impossibilité de faire face à des situations dramatiques, voire tragiques, que toute personne sensée, équilibrée, réussit à vaincre d'une manière probante. Comme Andréa, qui doit garder le vieux chien d'une femme richissime qui s'accorde deux semaines de vacances. Andréa, âgée de dix-neuf ans, est heureuse, ce sera la belle vie pendant l'absence de madame Gabi. Malheureusement, une fin d'après-midi où elle rentre du cinéma, elle constate que le vieux chien est mort. Quoi faire ? Qui prévenir ? Madame Gabi est injoignable. Elle téléphone à sa mère qui lui conseille de joindre un vétérinaire. Elle raccroche, se demande comment transporter le canidé, sinon dans une valise roulante jusqu'à l'arrêt de l'autobus. Parvenue à ce point culminant de son étrange destinée, Andréa se fera berner mortellement par un jeune homme qui lui propose son aide. Quelques lignes fatalistes closent le récit, avec un brin de compassion pour Andréa qui, à dix-neuf ans, est morte pour si peu...

Plus les histoires avancent, plus la mort devient impitoyable et cruelle. Un homme, las de son épouse, utilise une fourchette pour l'énucléer. Il est facile de « trucider son prochain », le meurtrier regrettant presque de ne pas être devenu un tueur en série. Comment se débarrasser du cadavre avant de prévenir sa fille que sa mère est morte ? Il agira d'une manière sadique en attendant la visite de Brenda, qui se posera bien des questions sur la mort brusque de sa mère. C'était sans compter sur le sang-froid de sa fille, des indices la feront douter de la santé mentale de son père. Chez elle, Brenda téléphonera à la police. Frustrations obscures d'un homme qui, prétend-il, s'est laissé manipuler par son entourage familial et sociétal. Plus loin, un individu se prendra pour un nouveau prophète, prêt à recréer un monde nouveau. Carnage dans un autobus qui fera six morts. Il s'est laissé abuser par les propos d'anciens dictateurs, tels Staline, Mao, Danton, bourreaux sanguinaires qu'il a repérés sur Internet. Acte d'un déséquilibré qui sera abattu par la police. Un détail inédit, cet acte démentiel a été commis au nom de l'écologie, fait plutôt rare pour abattre un groupe de personnes innocentes. Ailleurs, une adolescente rebelle tue sa mère d'un coup de patin à glace. Puis, l'hystérie de la foule quand une femme accouche d'une fille soi-disant anormale. Elle a une « membrane de matière inconnue à l'entrejambe. Et des stries symétriques en demi-cercle dans le dos ». L'occasion sera belle pour une ancienne religieuse de voir en l'enfant la venue d'un nouveau prophète. L'histoire est contée par la petite fille naissante qui résume habilement la situation d'une société déçue, qui s'est repliée vers un mouvement irrationnel, irréel. 

De ces contes empreints d'une triste modernité, c'est le dernier qui nous a le plus touchée. Texte désespéré qui nous ramène au temps maléfique des camps de concentration, institués par les nazis. Un prisonnier juif narre ses dernières heures dans le terrible froid d'un hiver où il doit concasser des pierres avec ses compagnons d'infortune, avant d'être assassiné lâchement par un kapo. Dix-huit mois se sont passés depuis cette rafle. On ne parlera jamais assez de ce génocide, même si ce drame universel n'a pas servi de leçon à l'espèce humaine. Texte qui nous fait réaliser que ces contes — le libellé " nouvelle " dénommant des fictions, l'écrivain l'a évité — ont été écrits à partir de sinistres rumeurs véridiques que crée un monde décadent, s'acheminant vers ses fins mortifères. Le goût de la mort annihile une moralité valorisante qui n'a plus cours, une perversité la remplace que nous retrouvons dans d'anciennes civilisations parvenues à leurs termes. L'instinct bestial ne résiste pas aux esprits fragilisés par l'état d'un monde agonisant, qui avait endormi les intentions les plus meurtrières. 

Si le recueil en le parcourant nous a semblé rébarbatif, une deuxième lecture s'est imposée. On a alors compris que l'écrivain, Alain Raimbault, en quelques pages, mettait en relief des actes prohibitifs, miniaturisés grâce à une synthèse intelligente, une écriture sans fioritures, nous convainquant de la portée du message, traduit parfois en des termes compassés, comme pour s'excuser de nous rappeler de telles horreurs, chaque jour répertoriées dans quelque quotidien, sans que nous nous arrêtions sur la gravité du geste. À lire absolument ce livre courageux pour mieux comprendre où nous en sommes avec la  dégradation de l'être humain et de son entourage, avec la mutilation de son environnement. 


Sans gravité, Alain Raimbault

Éditions de l'instant même, Longueuil, 2020, 140 pages


 

lundi 27 août 2018

Être soi et un autre ****

Malgré le soleil qui essaie de pourchasser les derniers détritus hivernaux, la semaine s'annonce difficile. On ne sait trop pourquoi ce verdict prémonitoire. Comme si une personne nous manquait ou même un objet, qui aurait soudainement disparu de notre décor familier. Ceci pour dénoncer la fragilité de notre soi quand la fatigue, venue on ne sait d'où, nous fait trébucher jusqu'à terre, tel un chevalier déchu de ses titres. On commente le livre de Ringuet, L'héritage et autres contes. 

Ces histoires publiées une première fois à Montréal, aux éditions Variétés, en 1946, puis, aux éditions Fides en 1971, sont rééditées à la Bibliothèque Québécoise ( BQ ). De courts récits libellés " contes " mais qui, de nos jours, par la sobriété de leur teneur, leur structure aérée, leur écriture intimiste, se classeraient dans les nouvelles qu'on apprécie tellement quand elles sont rédigées selon les règles qu'impose le " petit genre ".

Neuf histoires relatent des aventures brèves, se déroulant au Québec ou ailleurs dans le monde. Entre les années 1940 et 1950. On y perçoit toutes formes de colonialisme, le monde de cette époque étant sous tutelle d'impérialisme ou d'expansionnisme. Le conte éponyme, L'héritage, narre la venue d'un homme, Albert Langelier, soupçonné d'être le fils naturel de Baptiste Langelier, dans un village québécois, Grand-Pins, aux prises avec les dictats de l'État et de l'Église d'alors. Débardeur au chômage, l'homme s'apprête à recevoir un héritage inattendu : une ferme, et une terre « maigre et se refuse à la culture ordinaire », seul le tabac y croît. Ne connaissant pas grand-chose à l'agriculture, le citadin inexpérimenté renouvelle le matériel désuet dont il a aussi hérité. Une jeune femme, Marie,  surnommée La Poune, continue à faire les travaux ménagers, comme si de rien n'était. La canicule s'installe, pas une goutte d'eau ne tombe pour alimenter les plants de tabac. Albert Langelier, l'étranger, tenu responsable de cette sécheresse, choisira de retourner à Montréal, après avoir abattu son chien d'un coup de hache. Marie, « une ombre [ qui ] se détacha d'un groupe de sapins », le regarde aller. Deux contes traitent du thème de l'étranger qui débarque dans un village et perturbe le quotidien de gens habitués à leur morne tranquillité. Sept jours, conte qui emporte le lecteur dans un village aux abords sympathiques, où les gens vivent en harmonie, préoccupés de soucis restreints. Chaque jour de la semaine nous fait mieux connaître la boulangère, l'abbé, le père Saint-Jean, d'autres, autant pittoresques. Chacun y va de ses commentaires, de sa tirade hargneuse, quand s'installe à l'unique hôtel un jeune homme qui intrigue les villageois, délie leur langue et surtout trouble leur conscience, alors que lui se contente de sourire, de saluer, ravivant la coquetterie et mesquinerie des femmes, ranimant les chamailleries des hommes à propos de prochaines élections.

Ce qui surprend dans l'ensemble du recueil, ce sont ces hommes qui ont fui ce qu'ils sont, ce qu'ils possèdent, essayant d'être à la hauteur de situations où eux-mêmes représentent l'étranger tant redouté de ceux et celles qui n'ont jamais franchi de frontières. Qu'il travaille dans une filature, imaginant où le conduirait une voiture de luxe, comme celle du patron, qu'il panique quand il se réveille, rêvant d'une solution mettant fin au sommeil, qu'il soit amoureux de la Vénus de Vélasquez, la recherchant dans une femme moderne, tous ces hommes ont fui les apparences, pensant trouver mieux ailleurs. Étrangers à leur misère mentale et morale, à leur inassouvissement rancunier contre une société inadaptable, croient-ils. Ils ne sont pas le double d'eux-mêmes, mais, impulsés par une insatisfaction atavique, ils partent dans des pays où ils souhaitent se renouveler sous différents aspects. Cependant, le conte qui nous a le plus touchée, parce que véridique, se titre La sentinelle. Un chauffeur dont la voiture tombe en panne au bord de la jungle, recommande à son passager de l'attendre chez le Tonto, le fou, qui garde jalousement la machinerie détériorée, conséquence de l'échec français que fut l'élaboration du canal de Panama, projet abandonné depuis une quarantaine d'années. Les machines pourrissent « [ ensevelies ] sous le linceul vert, éternellement vert. » Ce linceul vert n'est autre que la végétation luxuriante de la forêt tropicale. Le Tonto a toujours cru, entêté dans sa folie, que le grand ingénieur Lesseps reviendrait terminer son immense entreprise. C'est un conte émouvant, angoissant, prouvant une fois encore que l'homme n'a aucun pouvoir sur la nature : elle engloutit tout ce qui se tient à sa portée. On n'est pas étonnée que le passager, repartant avec le chauffeur, ressente une envie de pleurer face à la folie d'un homme, englouti dans sa propre démence. Magnifique symbole de l'être humain explorant ses déboires déchirants.

La plupart des contes comme celui-ci stupéfient par leur modernisme, par la folie indécente qui menace les protagonistes, ces hommes à la recherche de ce qu'ils ne peuvent atteindre en étant eux-mêmes, leur rêve inaccessible les conduisant vers la perte de soi, de l'être qu'il devient, l'enveloppe initiale, telle la nature, reprenant ses droits. Dans leur nouvelle peau, ces hommes sont atteints d'une mégalomanie délirante qui les emporte vers leur propre destruction. Le temps de l'autre ne dure que lorsque le masque, usé, s'effrite, révèle la véritable identité de l'imposteur, significative dans le conte intitulé si justement, L'étranger.

C'est un livre admirable que nous propose Ringuet, auteur du célèbre roman Trente arpents. Friande de ces récits particuliers, on les a découverts avec une joie indéniable. L'écriture descriptive, précise et détaillée, le style épuré, jamais encombré de résidus romanesques, nous ouvre les portes de la nouvelle, telle qu'elle s'écrit aujourd'hui, incisive et concise. Ringuet fut le précurseur, peut-on avancer, de ce genre minimaliste, si difficile à apprivoiser. À mener à son terme persuasif et accompli.


L'héritage et autres contes, Ringuet
Bibliothèque québécoise ( BQ ), Montréal, 2018, 181 pages



lundi 21 septembre 2015

Histoires insolites mais véridiques *** 1/2

On lui envoie des courriels, des cartes virtuelles auxquels elle ne répond que si on lui téléphone pour lui signaler nos marques d'amitié. Elle craint la révolte des machines si nos messages traversent trop rapidement l'espace. La poste est pour elle l'apanage d'une lettre enfermée dans une enveloppe, timbrée, oblitérée humainement. On se moque gentiment d'elle, on l'accuse d'outrages au modernisme, elle éclate d'un rire éraillé, elle a quatre-vingt-huit ans. On a lu les contes de Jean-Pierre April, Méchantes menteries et vérités vraies.

Si les contes, qui ont enchanté l'enfance de plusieurs lecteurs et lectrices, sont remis en question à cause de leur soi-disant manque d'innocence, ceux que propose ici l'écrivain, sont sans équivoque. Ils ont été rédigés pour des adultes avisés. Ces histoires mi-burlesques, mi-pathétiques, se déroulent de la fin du XIXe siècle jusqu'à nos jours ; elles se situent dans des villages québécois dont plusieurs n'existent plus. Il n'est pas nécessaire de respecter la chronologie du temps pour savourer ces contes à leur juste mesure. Parfois, à leur grinçante démesure. Si on a choisi d'accompagner l'écrivain-conteur dans ses déambulations bien souvent hivernales, c'est pour mieux se réjouir, ou se désoler, d'une époque où cochons et maîtres mangeaient, dormaient ensemble pour se tenir chaud. « Les animaux restaient avec le monde », affirme le narrateur, presque jubilatoire. Jusqu'au ménage, décrète une grand-mère, qui « vire les planches de bord », tellement la saleté envahit la pièce. Et puis, la « marmaille » s'amuse « ben » avec la « cochonnaille », nous convainc-t-elle. Il faut s'attendre à quelque animosité pointue dirigée contre le boss anglais, toutefois enrobée d'une ironie maligne et cinglante. Les femmes, maîtresses consacrées au royaume de diverses maisonnées, les mères et les bébés, suspendus aux branches, prostituées et religieuses tiennent les hommes en laisse, la folie en place. Les incendies, symboliques, ou brasiers ravageurs, enflamment les cœurs et la chair. Il y a aussi les silences complices, ceux qui protègent les pécheurs coupables d'actes réprouvés, absouts par le curé, qui font que la mémoire entasse des anecdotes savoureuses, pour concocter des légendes plus ou moins vraisemblables. Nous savons que le temps augure mal lorsque les témoins sont morts, que les langues se délient maladroitement. Exagérément.

On théorise sur des événements qu'on décrit à peine, ne désirant pas à notre tour leur apporter matière à menteries, les lieux se livrant moindrement quand on les imagine enneigés pendant trois hivers d'affilée, sans qu'un printemps se montre pour décrotter les villageois de Saint-Julien, la neige les ensevelissant jusqu'au renouveau saisonnier. Menterie improbable ? À grands pas, ne pouvant parler de tous ces récits captivants, on a enjambé des années, franchi des espaces trop glacés, trop engourdis de frustrations pour s'y attarder. On pense à la petite bonne femme à grosse tête, prisonnière de religieuses malveillantes, parce qu'elle s'évade de l'hôpital pour respirer les fleurs dans un jardin environnant. La haine vaincra l'innocence, la poésie, enfermée dans cette grosse tête. Pour oublier tant de méchanceté abusive, si cela est possible, et si cela est vrai, cette histoire de pouvoir tyrannique, on se dirige vers les maisons de perdition, comme se dénommaient les maisons closes, les maisons de débauche. À Saint-Paul-de-Chester, il y en avait cinq. Elles ont eu un destin digne et grivois, de connivence avec les « filles » qui s'y adonnaient sans grand plaisir, avec les « gars [ qui ] y buvaient, fêtaient et baisaient. » Le conte, La vraie vérité sur le but refusé d'Alain Côté, peu importe la véracité de ce texte hilarant, reflète la passion d'un peuple envers son sport national. On est spectatrice d'une poignée d'hommes pour qui la vie ordinaire est un enjeu expiatoire. La dernière menterie ou vérité vraie, bien que bellement séduisante, nous laisse perplexe. Le garde-manger sans fond, unissant les mains de Karine et de Samuel, un 16 août 2015, dérange nos principes de lectrice avertie. Pas le garde-manger mais les aliments qui disparaissent sans laisser la trace d'une souris vagabonde...

Ces récits aux façades tristes ou souriantes, qui ont ravi notre regard étranger, limitent cependant notre perception d'une culture différente de la nôtre. Leur quête symbolisant un émouvant et saisissant passé, on est persuadée que ces écrits ne doivent pas disparaître. Ils témoignent de petites joies, de grandes misères, sur lesquelles s'est bâti un pays où il fait bon vivre. La mémoire s'avère un sceau indélébile quand elle verbalise de bouche insinuante à oreille malicieuse ce qui, avant nous, se révélait nécessaire pour se souvenir que la vie n'est ni tout à fait méchante menterie ni tout à fait vérité vraie. Moralité, s'il y en a une à tirer de ce recueil divertissant, nous trichons tous et toutes un peu, et c'est bien ainsi.


Méchantes menteries et vérités vraies, Jean-Pierre April
Éditions du Septentrion, collection Hamac,
Québec, 2015, 165 pages