lundi 14 janvier 2013

Le cambrioleur d'âmes *** 1/2

Imposture. La mésaventure nous étant arrivée, on combattra les hommes et les femmes qui, prétextant une admiration douteuse, reproduiront dans divers réseaux sociaux et les leurs, nos différents écrits, nos photos ; emprunteront nos titres, sans autorisation de notre part. Pour ce faire, on n'hésitera pas à les poursuivre en justice, déjouant ainsi leurs velléités malhonnêtes. On a lu le récit d'Andrew Kaufman, Minuscule.

Un 21 février dans une banque, au centre-ville de Toronto. Treize personnes occupent les lieux quand un cambrioleur, coiffé d'un extravagant chapeau violet, entre, brandissant un pistolet. Bien qu'il tirât un coup de feu au plafond, tout le monde reste calme, ni ne fait un geste. L'homme invite le personnel à se joindre aux clients. Il demande à chacun de lui remettre un objet qu'il porte sur lui, ayant une grande valeur sentimentale. Ce qui est fait rapidement sans aucune réticence. Avant de partir avec ses trésors, le cambrioleur leur tient un discours sur l'âme que tous préservent comme un lingot d'or. Il les persuade que l'âme est un lien organique, au même titre que le cœur, les jambes. Cette « étrange machine » permet d'accomplir des choses magnifiques à condition de constamment la raviver. « Telle une batterie de voiture. » Enfin, regardant sa montre, il les prévient qu'il emporte 51 % de leur âme. À eux de la faire « repousser » après que d'étranges conséquences se seront produites, sinon tous mourront... Le cambrioleur jette son chapeau en l'air, sort « avant même que le couvre-chef ne touche le sol. »

La première conséquence se produit quand Thimothy Blaker, chauffeur d'autobus, voit monter Nancy Templeman, son ex-petite amie. Elle ne dépose pas de monnaie mais plonge la main dans la poitrine de Thimothy et lui prend son cœur... Deux jours après le cambriolage, Jenna Jacob se réveille, elle est faite en bonbon. Une autre, Jennifer Layone, trouve Dieu. Il est sale, elle le met dans une laveuse avec une brassée de jeans. Dieu ressort couvert de miettes de mouchoir, visiblement déçu. Il quitte la buanderie et, depuis ce jour, Jennifer ne cesse de le chercher. Il y a Dawn Michaels qui, installée dans son nouvel appartement, sent une douleur fulgurante à la jambe. Jamais elle n'avait ressenti une telle souffrance ; elle provient du tatouage de lion situé au-dessus de sa cheville. Tatouage qui date de presque trois mois. À peine cicatrisé, du sang s'écoule encore, imbibe sa chaussette, le tatouage bondit de sa peau.

Cependant, le cas le plus surprenant est celui de Stacey Hinterland, épouse du narrateur. Elle rétrécit de plusieurs millimètres par jour. Depuis la naissance de Jasper, trois ans plus tôt, leur mariage se détériore. Ils assistent à des réunions de groupe de soutien mais les conséquences des uns et des autres les rattrapent, leur laissant peu de répit pour se réconcilier. Est-il impossible de se passer de ses congénères pour mener à bien une entreprise de sauvetage ? Car c'en est bien une, Stacey Hinterland, rapetissant toujours, au risque de disparaître...

On n'évoquera pas les péripéties dérangeant les treize personnes qui se trouvaient dans la banque, ni de ce qu'il adviendra du cambrioleur, de son extravagant chapeau violet. Quelles sont les intentions du narrateur, personne ne pouvant vérifier ses dires ? Histoire abracadabrante qui, mine de rien, interpelle le lecteur. Fable des temps modernes, relatant sous le couvert d'absurdes facéties, les problèmes d'un couple qui, ayant perdu ses repères, se cherche, instaurant ici et là de nouvelles balises passionnelles. Les déboires happant les protagonistes, ne sont-ils pas des morceaux de l'âme du narrateur se dépouillant du " vieil homme " ?

À lire, en mettant de côté tout rationalisme. Il faut crever la bulle de notre cartésianisme et, surtout, ne tirer aucune morale de ce conte loufoque, écrit sur un ton réjouissant, dédramatisant ce qui n'en vaut pas la peine.


Minuscule, Andrew Kaufman
traduit de l'anglais par Nicolas Dickner
Illustrations de Tom Percival
Éditions Alto, Québec, 2012, 128 pages










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