lundi 31 août 2020

Au fil de l'hiver, une femme *** 1/2


Et si nous nous souvenions des horreurs mondiales que nous avons traversées, sans en être véritablement affectée. Nous étions loin du champ de bataille, qui s'étend aujourd'hui hors des limites permises, tuant hommes, femmes et enfants. Il fut un temps où les guerres avaient peut-être leurs raisons d'être, si cela se peut. De nos jours perturbés, un ongle qui a griffé l'épiderme devient sujet de mésentente. On commente le roman de Marc Séguin, Jenny Sauro.

On a toujours lu cet auteur avec un immense plaisir, son dernier opus n'a pas dérogé à nos préférences littéraires. Son livre compte parmi les plus originaux qu'on a repérés cette année et la précédente. On dit, parmi les romans qu'on a lus, il y en a tant à découvrir. Ni nos yeux ni le temps ne le permettent. Il est évident qu'on découvrirait des trésors parfois négligés.

C'est une histoire inusitée, audacieuse que nous offre l'écrivain. Une femme de trente-six ans, Jenny Sauro, se noie à la fin de décembre dans les eaux glacées d'un lac. Drame qui traumatisera les habitants du village frontalier de North Nation. Jenny Sauro a un fils de six ans, Arthur, qu'elle a sauvé de la noyade, alors qu'il s'était précipité sur le lac gelé pour récupérer le jouet de son chien. L'enfant survivra chez son grand-père, Jenny y laissera sa vie. Après avoir traversé bien des expériences humaines à Montréal et en avoir été déçue, elle était retournée à North. Elle travaillait comme serveuse au restaurant du village depuis plusieurs années. Son père, avec qui elle entretenait une relation de complicité et de franche affection, sera ravagé par la mort de sa fille. Mais il doit réagir au plus vite pour Arthur qui, à six ans, se révèle un enfant intelligent, lucide, observateur. L'hiver affirmant sa froidure, le corps de Jenny Sauro ne sera pas retrouvé, les eaux glacées l'enferment dans ses profondeurs, mettant à mal les recherches des hommes-plongeurs. Il faudra attendre le printemps pour délivrer la jeune femme du carcan des glaces. L'écrivain, avec une subtile habileté psychologique, dépeint le parcours de la petite fille, de l'adolescente, de la jeune femme. À douze ans, sa mère biologique abandonnera à leur sort, son mari et sa fille. C'est pour la deuxième épouse de son père qu'elle éprouvera une réelle affection filiale, mais celle-ci sera terrassée par un cancer. Existe dans la vie de Jenny une solitude fatale qui se répercutera sur ses agissements et dans le comportement des villageois à son égard. Discrète, peu ouverte à des démonstrations vitales, elle sera perçue comme une sorcière bienfaisante, à qui personne n'a rien à reprocher. À mesure que l'hiver s'écoule, chacune et chacun y va de son bilan amical, amoureux. Des hommes, des femmes, ordinaires, se sont épris de Jenny, elle aussi femme ordinaire, pour qui le bien-être était de défier les habitudes villageoises, de rechercher des sensations urbaines auprès d'hommes qui furent ses amants. Curiosité du corps en effervescence, de l'âme façonnée d'un idéal qui n'existe pas. Le père d'Arthur était un homme qu'elle avait aimé, la tranquillisant de sa présence « autant qu'un homme amoureux sans expérience peut l'être. » Deux ans plus tard, enceinte d'Arthur, Frank l'avait quittée. Rupture déchirante sur bien des points pour Jenny, qui se jure de faire de son fils, « quelqu'un avec des valeurs ». De retour à North avec son enfant, elle gardera en son for intérieur, le souvenir abîmé mais réconciliateur de Frank, renforçant ainsi le mystère qu'ont supposé les villageois autour de la jeune femme, l'acceptant dans l'entièreté de son comportement rebelle.

C'est d'un point de vue intérieur que les villageois se questionnent sur Jenny Sauro, aussi sur leur propre existence. Hommes et femmes se réuniront en avril pour célébrer une messe qui mettra un terme à leur chagrin, se remémorant une Jenny intemporelle. Des désirs s'entrechoquent, des possibilités affectives que les uns et les unes intensifient pour conserver une image apaisante de la jeune femme. Cette messe est une manière humaine de bouleverser les codes établis par le silence, comme si aimer Jenny était interdit. Barrières qu'elle a érigées en s'éloignant de personnes gratifiées de ses troubles personnels. Ce sont là les pages les plus émotionnelles du roman, scène qui ne manque pas de mettre au jour des failles humaines perceptibles, cette cérémonie s'avérant les adieux à une femme vivante qui ne désirait qu'une vie simple, calquée sur celle de son voisinage. 

Le roman aurait pu se terminer sur le départ définitif de Jenny Sauro. Le souvenir des villageois se repliant sur une idéalisation qui leur aurait permis de vivre pour le mieux, échappés volontaires de la serveuse, de l'amante, de la fille, de la mère. De la confidente. « À North Nation, la mort de Jenny Sauro avait eu un effet de levier sur les sentiments de chacun. » Ce sont des détails physiques et moraux qui adouciront l'hiver, déglacera le lac. Puis, les eaux circulent librement, le corps de Jenny sera redonné à la terre. Ce qui surprendra le policier William Bourque, la découverte du corps de Jenny exprimant sa volonté de vivre à nouveau. « La tête et les épaules dégagées, sur la rive, le reste enfoui sous une plaque de glace blanche. » Relater la suite de ces retrouvailles, bouleversant William Bourque, les habitants du village, minimiserait la force insoupçonnée d'une nature charnelle, désirable. Il semble que tout soit à renouer du commencement à la fin de cette fable, nous-même ayant remis cette phase audacieuse en question, nous interrogeant sur les intentions de l'écrivain à ressusciter Jenny, lui apportant non plus une suite à son existence mais un renouveau qui sera accepté prudemment par les villageois. Roman initiatique s'il en est un, intrigue qui témoigne d'une sorte de rédemption christique que charrie le lac. De l'hiver au printemps, saison chavirant dans des improbabilités identitaires, Jenny Sauro se recréant dans la simplicité d'une existence familiale, symbolisant la boucle du ruban de Mœbius. Métaphore du corps qui exprime le mouvement perpétuel des glaces et de leurs péripéties saisonnières.

Roman transcendé d'une étonnante spiritualité, allant plus loin que les dernières secondes de la vie d'une femme qui, sur le point de franchir la rive terrestre, et non de mourir, nous entraine avec elle, telle une brèche dont elle se servirait pour mieux nous confondre à la ténacité ou à la fugacité d'un inventaire qui rassure. Tenant compte de ses capacités téméraires que le lecteur découvrira au long de ces pages chevillées à un destin exceptionnel, qui se voulait ordinaire...


Jenny Sauro, Marc Séguin
Leméac Éditeur, Montréal, 2020, 280 pages

lundi 17 août 2020

Partir pour mieux rebondir *** 1/2

 

On témoigne des années qui passent inexorablement, en apprenant chaque semaine, sinon chaque jour, le décès d'une personne anonyme ou publique, avec qui on a marché coude à coude. Hors leur mission personnelle, on ignorait leur statut précaire d'être humain. Doucement mais sûrement, ces êtres qui ne sont plus que par leur esprit séparé du corps, sont devenus des compagnons célestes. On commente les récits de Christian Lemieux-Fournier, Partir.

Il y a des livres qui, au premier abord, ne paient pas de mine. On les aborde avec hésitation, on les rejetterait presque. Nous méfiant d'un état d'esprit parfois fatigué, on met ces ouvrages de côté, on passe à autre chose. Puis, on y revient, nous demandant comment et pourquoi notre première lecture a trahi notre appréciation. Cela s'est avéré pour les récits de cet écrivain qui nous était inconnu.

De brèves situations réflexives alimentent les quelques pages de ce livre. Il y est question de naître, de la nécessité de vivre, puis de mourir. D'une manière ou d'une autre, il faut s'ajuster au monde des humains, apprivoiser ce monde qui nous lance parmi les arias de nos semblables, ces arias devenant aussi les nôtres. La mère, anesthésiée, ne sait rien de ce nouveau-né qui ne demande qu'à ouvrir les yeux, accéder à la normalité des choses humaines. Repousser loin de lui les dragons, les loups, les monstres, l'empêchent de capter le premier regard qui se pose sur sa petite personne, celui de sa mère. L'enfant a grandi entre frères et sœurs. Noël apporte ses trésors, la mère, le père, mais la mère surtout, confectionnent les cadeaux de toutes les couleurs, papiers kaléidoscopiques qui seront déchirés en quelques minutes. Anecdotes décrivant, parmi de nombreuses, les difficultés à s'exprimer à l'école, le garçon zézaie. Moqueries de ses camarades, les enfants sont cruels, parfois impitoyables. L'institutrice, surprise et attentionnée. Le diner, avant de repartir vers l'école. Lieu d'autrefois, l'école étant toujours d'autrefois quand nous l'imaginons, un brin de nostalgie enjolivée des moments délicieux de nos jeunes années, comme s'il était nécessaire d'embellir le présent, parfois endolori. Les yeux ouverts, les paupières gonflées de larmes amères, mais instants combien soyeux à la mémoire. La soupe familiale a un goût de première chanson enfantine, les paroles ne s'accordent qu'avec le cœur ficelé à l'univers enfantin. L'écrivain, ou le narrateur, mentionne ardemment sa passion de bouger, de courir après un ballon. « Toute l'enfance qui roule et rebondit. » Les sœurs de l'enfant habitent un monde différent du sien. Chicaneries entre petites filles, secrets futiles. Complicité moqueuse de la mère quand l'une d'elles se guérit d'un mal de tête avec des cachets de mescaline. 

Une attention particulière du narrateur envers la mère qui s'ajuste devant un miroir. Ses six enfants, « bien habillés et bien propres » l'attendent dans la cuisine, elle va chercher son diplôme d'infirmière auxiliaire. Dans ces récits, où l'humour fait foi d'une parfaite union avec la tendresse, la résurgence de séquences familiales ou sociales, le père intervient, confiné dans son rôle d'homme pourvoyeur pragmatique. Bûcheron dans sa jeunesse, comme dans l'ancien temps, confirme l'écrivain d'un œil attendri, le père a décidé de couper un arbre, sous le regard sceptique de la famille réunie. Est-ce un dimanche à la campagne ? Nous ne le savons pas, il y a un lac plus loin. Une balançoire où la mère se réfugie pour lire. Le temps, réservoir inaltérable de souvenances, s'amalgame ici à l'attente, au désir de partir plus loin, la route devient lisse et prometteuse sous les semelles. La joie se mêle à la stridence de la cigale, au soleil qui brille de tous ses feux magiques. L'adolescence s'impose, le sac se fait léger, les journées ressemblent, heureuses, « aux pages d'un livre que l'on feuillette. » Le garçon, à sa manière, fête ses seize ans. 

La révolte ébauchée de l'adolescent rimbaldien, magnétisé devant l'océan Atlantique. Plus tard, la mère en partance vers un rivage encore inconnu. La maladie, la mort, inévitables, s'apprêtent à assombrir l'enthousiasme vital du jeune homme. La mère, dans la salle des soins intensifs. Métaphore inavouée du temps qui éploie la magnificence du récit sur l'agonie de la mère, puis sur sa mort qui ne se résoud plus qu'à une morne plaine, sur l'écran. « Plus qu'une plate ligne horizontale continue. »

La suite de ces souvenances aborde les méandres de la solitude. Ceux du narrateur, victime d'une amnésie partielle. La mort brutale de sa sœur Josée. « Le bébé de la famille. » Évocation de la mort de Mireille, la sœur ainée. Réminiscences percutantes et douloureuses, la vie chemine vers Compostelle. Vagabondage dans un décor à peine souligné, les compagnons du narrateur y tiennent une large place, modelée de leurs bizarreries. L'un des récits qui nous a le plus touchée. On y rencontre l'être humain assujetti à ses failles, soit à lui-même. Marié, père de deux enfants, la solitude fait réfléchir le narrateur, l'homme qu'il est devenu. Il se remémore un saut en parachute avec sa fille, un voyage en montgolfière avec son fils. Plaisir  aéré, ressenti entre ciel et terre. Un dernier trait évocateur de son père, travailleur acharné. Celui-ci veut « couler du ciment pour les fondations de la galerie d'en arrière. » De même que ce père a abattu un arbre, de même le coulage du ciment ne se fera pas sans un humour discret de la part du fils. Cela se termine sur les courts-circuits de la mémoire qui, une fois remise sur ses rails, suggère au narrrateur-écrivain de prendre la vie du bon côté. D'affermir l'existence, si fragile, de fantaisies brodées de ses ratés, « la vérité trouvant toujours à s'installer et à occuper la place qui lui est due. »

Récits qui donnent envie de vivre, hymne généreux aux heures les plus sereines, les plus sombres aussi. Dire qu'on a failli passer à côté de ces moments façonnés par un écrivain qui, en toute simplicité, nous assure que l'existence, aussi rébarbative soit-elle, mérite qu'on la raconte, qu'on la narre, avec ses splendeurs, ses grandes et petites espérances. 


Partir, Christian Lemieux-Fournier

Les Éditions Sémaphore, Montréal, 2020, 80 pages

 

 

lundi 10 août 2020

Une femme en quatre mouvements *** 1/2

Le rythme de notre existence ralentira-t-il à la suite de la brusque apparition d'un virus qui a semé un émoi désordonné dans le monde entier ? Intrus invisible et féroce qui a jeté lesdits plus grands hommes qui nous dirigent, plus bas que terre. Une puissance meurtrière qui remet à l'heure les aiguilles déboussolées de nos horloges planétaires. On a lu le roman de Sarah Brunet Dragon, Faule. 

Ce sont deux détails agaçants qui nous font, en partie, commenter ce livre intimiste. Où la parole chuchote à travers la voix d'une femme, prénommée Faule. Décision peu commerciale que de titrer ce livre du prénom inusité de l'unique protagoniste. D'autant qu'il y avait matière à présenter différemment le point de vue de cette femme sur la solitude qu'elle recherche, sur les sensations que ce sentiment provoque en elle. L'autre chose irritante, c'est que la fiction soit présentée comme un roman, ce qu'elle n'est pas. Contradiction éditoriale entre le titre et le libellé du livre.

L'histoire, divisée en quatre mouvements, qui existe à peine, nous fait faire la connaissance de Faule, repliée sur elle-même, sans désespoir, ni acrimonie sociétale. Elle désire s'isoler un certain temps pour s'inventer une identité intérieure, ce qui demande beaucoup de sagesse à un être humain et beaucoup de talent à une romancière pour arriver au terme de ses intentions littéraires. Faule n'en peut plus de vivre chez ses parents, elle décide de se terrer dans une maison de guingois, à North Hatley. Elle vivra de l'humble héritage de sa grand-mère, morte en enterrée quelques mois plus tôt. Dans la maison d'à côté, vit N. compositeur, avec qui elle aura une relation à peine amicale. Peu de paroles entre eux, quelques rencontres de hasard. Une sorte d'engourdissement dirige Faule pendant les heures qu'elle vit à ne rien faire. Les apparitions du voisin, la clairière qu'elle a découverte en allant au village, le jardin commun, la cave « où les choses craquent ». Son besoin de fumer. Elle oscille entre les objets parfois flous, les sensations qu'elle éprouve, jusqu'à voir un fantôme une nuit qu'elle dort. Paysage de montagnes qui s'étend jusqu'aux autres villages. « Très loin, à l'horizon, le Massawippi disparait entre les montagnes pour se déverser ailleurs dans un autre lac. » Le lac, dont elle ne voit qu'une infime partie, fait l'objet d'une contemplation que l'écrivaine dépeint dans les moindres détails, son regard de poète trouvant les mots nécessaires pour signifier la beauté environnementale, ne serait-ce que le « miroir de l'eau ». Un après-midi pluvieux, « assise sur la passerelle surplombant l'étang », elle aperçoit une biche qui la regarde fixement. Possession réciproque, immobile de Faule et de l'animale, les pierres, les arbres, les herbes jouent un rôle prédominant qui les protègent l'une et l'autre. « Yeux noirs contre yeux noirs. » Inévitablement, l'enchantement prend fin, la biche remonte la pente, Faule, rejoignant sa maison, remarque des pommes dans le fossé, grignotées par la biche, elle en déduit qu'elles ont des goûts similaires.

Ainsi, de menues occupations remplissent la vie de Faule. Le livre en est jonché, des glissements, autant physiques que mentaux, tiennent le lecteur en haleine. Un peu de cuisine, une soupe prend soudainement une dimension peu ordinaire. Des ingrédients légumineux, émanent couleur et odeur poétiques. Jeune femme rêveuse qui analyse les faits, attend on ne sait trop quoi, sans trop attendre. Nous dirions que la présence des objets, d'un papillon de nuit, du vent, de la pluie, dynamisent son quotidien. La silhouette de N. dans le jardin. Quelques questions entre eux, des réponses évasives. Une attirance réciproque qui ne dure pas, le temps d'un court dérangement puis chacun rentre chez soi, manière symbolique de se séparer, ce qui blesse cruellement Faule.

On ne peut s'attarder sur la poétique randonnée de la jeune femme, le récit s'avérant une lente promenade dans les pas d'autrui et des siens. Élasticité du temps qui la gouverne, des pages séquentielles essaimant en courtes phrases, toujours justes, une situation altérable. Ne sachant où cette retraite la conduira. Y pense-t-elle ? On en doute. Elle se sent bien, dit-elle souvent, jusqu'au moment où arrive A. , qu'elle aperçoit de derrière la fenêtre, « interrompant le fil de ses pensées ».  Séjour teinté de fébrilité entre les deux amies. Faule subit plus qu'elle ne partage. Échanges de mots, à la limite du silence désiré par Faule. Agissements de la part de A. qui, dès le début de son arrivée, a pris en main les « heures bleues » de leurs retrouvailles. Des tatouages temporaires dessinés à une terrasse, leur complicité temporaire, elle aussi. La lune, tant au travers des nuages que celle du tatouage sur leur bras, s'amalgame parfaitement à la fin du séjour de A. Trop de sollicitude de sa part dérange Faule, s'impatiente jusqu'à se dire : « Sa tendresse parfois je ne la supporte pas. » A. retourne en ville, c'est la fin de l'été. Tremblotement de la lumière, elle filtre « à travers le feuillage des arbres. Là encore, Faule se sent bien.

Le quatrième et dernier mouvement, plus bref, intitulé " Fumée " montre Faule plus réaliste, qui se rend compte qu'elle doit travailler, l'argent de sa grand-mère s'épuisant, elle s'inquiète. Dans la ville voisine, elle s'engage, sans le savoir, sur le campus de l'université de la région. Jour de chance, à la bibliothèque, elle décroche un contrat pour classer de vieux livres. Comme pour les précédents mouvements, l'écrivaine, en termes poétiques, décrira la manière de travailler de Faule, peu communicative avec les étudiants, avec ses collègues. Sensible à l'ambiance estudiantine. Les semaines passent, l'automne colore les feuilles. Nervosité des étudiants qui pensent aux prochains examens. Enfin, approche Noël, un message sur le répondeur lui annonce l'arrivée de ses parents pour fêter ensemble. Agacement spontané de Faule, mais l'affection familiale la réconciliera presque avec le présent. De retour en janvier chez elle, son enthousiasme professionnel émoussé, un fait inattendu la surprendra, elle y voit le signal d'un nouveau départ, après avoir entrevu une dernière fois la silhouette de N.

Récit symbolique avant tout. Faule a des excès de vie qui nous réjouissent. Un repas dans un restaurant comblera une partie de sa faim, de ses faims, serait plus juste. Comble, ne la rassasie pas. Il en sera de même avec N. alors qu'aucune liaison ne les a rapprochés amoureusement. Immersion absolue dans une identité provisoire. Solitude que nous retrouvons exprimée dans l'écriture, suggérant de magnifiques ensoleillements. Saisons éprouvantes mais il suffit du passage d'une biche pour que la vie exulte pleinement. On a aimé que le parcours de Faule s'interrompe sur des incertitudes de part et d'autre, lecteur et écrivaine, celle-ci s'étant peut-être dit que les achèvements de Faule alimenteront une autre histoire...


Faule, Sarah Brunet Dragon
Leméac Éditeur, Montréal, 2020, 160 pages