lundi 24 juin 2019

Tâtonnements, humour et tremblements *** 1/2

Ce matin, on flâne, on ne fait rien. On attend le soleil, même s'il pleut. Pour se consoler, on admire les nuages, le regard descend sur la jeune frondaison des arbres. On se dit qu'ailleurs les avenues dégoulinent de lumière solaire, les rues cherchent l'ombre, les parcs se font oasis de verdure rafraichissante. Ailleurs s'avère toujours plus accueillant que le ciel qui se démène comme il peut au-dessus de notre tête. On a lu le numéro 138 de La revue XYZ de la nouvelle. 

Secondée par l'écrivaine et traductrice Hélène Rioux, Sylvie Massicote a invité plusieurs nouvellistes à concocter l'ensemble d'un dossier visant le thème de la " vulnérabilité ". Cela donne à réfléchir, cette faille en nous souvent sur le point de nous menacer de ses tentatives corrodantes. Nous sommes pétris de tant de contradictions que nous ne savons pas toujours nommer nos angoisses. Nous les subissons à travers des événements qui influencent nos humeurs et nos sentiments. Comment évoquer ce que nous ressentons lorsqu'une odeur indispose une narratrice se souvenant de l'agonie de son grand-père ? Se dégageait de lui une odeur d'urine, qui l'emportait péniblement vers la mort. Sa petite-fille, s'ennuyant des « vieux », elle a pour eux « une empathie immédiate ». Lui sera alors confiée Delfina, une « vieille Italienne édentée qui n'avait plus de famille », qu'elle s'est mise à aimer. Mais l'odeur persiste dès qu'elle entre dans le bâtiment. Delfina mourra aussi. Nouvelle titrée L'odeur, signée Claire Legendre. Texte qui ouvre le numéro avec compassion, les autres fictions ramifiant leurs odeurs particulières, comme l'enfant d'Yves Angrignon, qui mouille son pyjama la nuit, humilié de ne pouvoir se retenir. Il craint que sa mère se lasse et le rejette. À son réveil, une immense détresse le fait se maudire. Nous avons envie de raisonner l'enfant, de lui expliquer qu'en grandissant ce malaise se résoudra, que ses frères ne se moqueront plus de lui. Jean-Paul Beaumier narre l'agonie d'une mère, hospitalisée. Celle-ci veut rentrer chez elle, alors que son désir ne sera jamais exaucé, ses jours étant comptés. Comme dans une peinture, c'est un détail qui percute le regard du fils quand il prend l'ascenseur. Une barre d'aluminium saille au bas du mur, elle pourrait blesser quelqu'un. Silence de la mère, vacillement du fils qui l'aide du mieux qu'il peut, se fiant aux détails, qui font de ce récit un des plus vulnérables. Une sensibilité à fleur de peau, l'écrivain dépeint les affres qu'il éprouve en sortant de la chambre, l'habile métaphore de la barre d'aluminium lui évitant d'exprimer sa souffrance. Je vais revenir demain. Cyril Della Nora nous fait faire la connaissance d'Isabeau, jeune femme plutôt extravagante, qu'il rencontrera dans l'autobus « un matin de mars qui se prenait pour mai ». Il s'en éprendra, ne sachant trop comment l'aborder, Isabeau se révèle tellement imprévisible. C'est la sonnerie du téléphone de la jeune femme qui altérera l'atmosphère amoureuse. Seul un turban, accroché au dossier de la chaise d'un bistrot, rappellera au narrateur qu'Isabeau a existé. De ce texte émane une profonde émotion, le dotant d'une force insoupçonnable. Alexandra Estiot nous trouble en taisant le mystère de son séjour d'une journée et d'une nuit dans une clinique. D'où son titre pour marquer davantage la détresse qui la ronge, s'arrêtant, elle aussi, à certains détails desquels nous avons l'impression qu'ils sont énoncés pour se soustraire à une douloureuse réalité. Les infirmières prennent soin d'elle, lui posent quelques questions dont nous finissons par connaitre les réponses. Récit décontenançant, incolore, blanc, interprétant le vide que ressent la jeune narratrice. Sur un ton plus léger, Camille Deslauriers use d'humour agacé pour décrire le comportement d'un médecin chez qui elle se rend. Elle est atteinte d'aphonie alors que le « trimestre d'automne commençait le lendemain ». Nous supposons que son conjoint file le parfait amour avec une étudiante, ce qu'elle avoue au médecin qui, désirant la rassurer, lui affirme que « des hommes, il y en a partout. » Vulnérabilité irritée de la patiente qui accepte mal ce diagnostic qui se veut consolant.

Ainsi, les textes vont et viennent entre détresse, humour et tremblements intérieurs, émotions exacerbées par la vulnérabilité qu'elles camouflent. Il suffit qu'un intrus se promène sur une plage, dérangeant l'intimité de deux femmes qui, apeurées, se posent des questions sur les intentions de l'inconnu qui se rapproche d'elles, jusqu'à leur maison. La narratrice hésite entre appeler la police ou une ambulance quand « l'homme prend peur, trébuche, perd ses lunettes. » Nouvelle brève, signée Danielle Dubé, où se ressent vivement l'inquiétude des deux amies devant l'inconnu, apparemment plus dangereux que le paysage où autrefois s'ouvrait la mer. Un intrus sur la plage. L'écrivaine nous ravit de sa sensibilité constante, efficace, quand il s'agit d'exprimer les débordements humains. Louise Dupré donne la parole à une femme, invitée à son insu à délibérer sur un jury. Laurent Lemay nous entraine vers un terrain de pétanque où joue, seul, un vieil homme. Marie-Ève Sévigny dénonce les frasques de Vieux Denis et Vieux Gaston qui veulent se venger du maire de leur petite ville. Une des rares nouvelles où l'écrivaine ne se miroite pas, ajustant la narration à l'action des deux vieux, comme dans un roman.

Dans la section " Thème libre ", on a particulièrement appréciée la fiction de Catherine Browder, Cerfs-volants, traduite de l'anglais américain par Jean-Marcel Morlat. Patiemment, un vieil homme attend sa belle-fille enfermée dans le cabinet d'un docteur. Pendant ce temps, il se remémore son existence avant de prendre sa retraite. Plus nous rentrons dans ses souvenirs, plus nous comprenons que sa belle-fille est chez le médecin pour parler de sa santé à lui. Là encore, un détail joyeux apaisera l'impatience du vieil homme.

C'est l'un des numéros des plus réussis sous la gouverne attentive de Sylvie Massicotte. Sentiments cassables et fragilité parfois indécelable se frôlent. L'être humain combien faillible quand un événement aussi minime soit-il, le frappe de plein fouet, mettant en danger son équilibre que nécessite une vie aux allures trépidantes. Les ambitions, l'arrogance, la vanité, la bonté, ce qui nous tient en haleine pour parvenir au bout de nos années d'existence, autant de soubresauts repérés au fil de notre lecture. Si on n'a pas cité tous les textes qui composent cet excellent opus, on n'en demeure pas moins admirative envers les nouvellistes qui ont participé à cette expérience révélatrice ou avouable, chacun et chacune enrichissant l'ensemble des fictions de sa touche personnelle, de son talent et de son imaginaire inépuisable.

XYZ. La revue de la nouvelle,
numéro 138 dirigé par Sylvie Massicote
Montréal, 2019, 102 pages

lundi 17 juin 2019

Les oscillations de l'amour et ses ramifications *** 1/2

Nous sommes entrés dans une ère de violence. Qu'elle soit le résultat de religions aux théories rétrogrades, d'une transhumance humaine dérivant sur des mers impossibles à dompter, de l'incompréhension de cultures distinctes, le monde bouge comme il semble ne jamais l'avoir fait. Et l'amour ne cesse de revendiquer les reliquats de ces manifestations désordonnées. On commente le roman de France Martineau, Ressacs.

On a fait la connaissance de l'œuvre de cette écrivaine avec son premier roman, Bonsoir la muette. Autofiction qui narre l'histoire d'une petite fille, nommée France, violée par son père durant son enfance et son adolescence. Elle dresse le portrait d'un homme semblable à l'océan, aux apparences paisibles, agité en eau profonde. Dans cette nouvelle autofiction aux nombreux ressacs, il s'agit de la mère que France, femme adulte, mère à son tour, essaie de cerner sans y parvenir tout à fait, cette femme lui glissant désespérément entre les doigts. Elle vient de mourir, le père est désemparé, il mourra quelques mois plus tard. Le couple est séparé, chacun vit dans sa propre maison et c'est en vidant les deux habitations que France et ses sœurs renoueront avec un peu d'amour filial. Sentiment fragilisé par les souvenirs d'un père manipulateur, violeur de ses filles, que l'on devine en filigrane, les sœurs, surtout la mère, se taisant sur le comportement répugnant du père. Au point que la petite France, réfugiée dans la bibliothèque paternelle, en perdra la parole pendant un an. Premier ressac traversé des obsèques des parents, des encombrants souvenirs que renferment tous les meubles des deux maisons.

Cet homme, Armand, né dans un quartier populaire de Montréal, intelligent, doué pour les études, n'a qu'un but, malgré ses réticences intérieures, s'élever dans une échelle sociale qu'il croira atteindre en épousant une jeune fille d'un milieu bourgeois, qu'il rencontrera dans l'autobus. Accepté par la famille, Armand et Suzette commettront l'irréparable dans une société gouvernée encore par l'Église — nous sommes dans les années soixante et soixante-dix —, la jeune fille attendra un enfant hors mariage. C'en est fini de la confiance parentale envers l'amoureux de Suzette, il devra épouser sa fiancée. Éprise follement de son amant, la future mère se repliera sans hésitation vers la famille ordinaire de son mari. Les grossesses se succèdent, Armand, faisant preuve d'une personnalité indépendante, doublée d'un complexe d'infériorité envers la condition sociale de sa femme, se montrera de plus en plus autoritaire, despotique. Prendra des maitresses. Il enseigne dans un collège, ayant échoué à sa thèse de doctorat. Il ressent une colère permanente qui se manifestera par l'achat d'une maison délabrée qu'il ne cessera de rénover. Au bout de cinq ans de cette existence dispersée, compromise par des maternités que Suzette repoussera du revers de la main, elle quitte Armand, achète une maison où son tempérament inadapté atteindra son paroxysme. Si Armand est déséquilibré pour des raisons sociétales qui lui répugnent, investit dans des maisons à logements, les loue à un prix dérisoire à des personnes déclassées, Suzette se range dans d'obsessionnelles occupations, comme la fabrication de poupées, comme le tissage. Indifférente à ses cinq enfants, ils sont misérables, affamés de tendresse maternelle. France, la plus éprouvée, essaie de se rapprocher de cette mère imprévisible, sans succès aucun, désirant l'apprivoiser, mais ne parvenant qu'à se blesser intérieurement. Ce sont des allers-retours d'Armand, de sa maison à celle de Suzette, qui solidifient un étrange et brutal lien amoureux. Malgré ses maitresses, il a choisi les traditions familiales, même s'il a agressé ses filles, abomination devant laquelle Suzette fermera les yeux, comme beaucoup de mères à cette époque restrictive. Faussement pudique. Le drame de cet homme et de cette femme se prolonge bien au-delà des convenances trahies, ils ne savent se passer l'un de l'autre, Suzette se réfugiant dans l'amour inconditionnel qu'elle porte à son mari. Subissant ses humeurs patibulaires exigeantes, elle sombre dans des périodes dépressives que personne, ni rien, ne peut soulager. Armand porte le malheur en lui, ce qu'il entreprend échoue, Suzette représentant le reflet miroité de ses échecs.

C'est en vidant la maison de leur mère, après son décès, que France, lisant son journal intime, analysera le comportement de cette femme égocentrique, qui la repoussera jusqu'à son agonie. Blessée, sa fille continuera à vouloir la séduire, contrairement à ses sœurs qui se seront éloignées de cette mère rébarbative, lourdement handicapée moralement par une existence ratée, échappée d'un milieu social qu'elle entretiendra quand elle vivra seule, s'enivrant d'une certaine musique qu'Armand déteste. Mésalliance que ce mariage, ruinant l'existence d'un homme et d'une femme, qui se sont entêtés à s'ancrer dans une routine opposée à ce qu'ils représentaient, avant de tisser eux-mêmes des franges inhumaines, irréconciliables. Déchirés constamment par des mouvements contraires.

Ce retour de France Martineau sur ses parents, sur elle-même, s'avère un acte courageux, dépeint dans les moindres détails d'ordre psychologique, libérant peut-être l'odieux de ce que fut sa relation intime avec ce père indigne, saturant certainement l'incapacité d'aimer une mère versatile, manipulatrice, celle-ci se plaignant auprès de son mari que ses enfants, ingrats, l'abandonnent, alors qu'elle fuit leur présence. Oscillation de la fillette et de la jeune fille que deviendra France vers cette mère immature. Elle s'éloigne, elle revient, avide de trouver la mère qu'elle cherchait. Nulle idéalisation qui fausserait le récit. Intrusion dans la douleur mais aussi dans la rédemption, France Martineau ayant magnifiquement réussi sa vie professionnelle, embellie de l'amour qu'elle porte à ses filles. Réconciliation avec soi quand il n'y a plus rien à perquisitionner dans l'âme humaine, qui en vaille la peine. Ne reste plus que l'art, la part indispensable, essentielle, que l'écrivaine utilise avec talent, laissant aller la mère en dernier lieu, desserrant ses bras d'une femme, morte de n'avoir su inspirer la joie de vivre, rejetant constamment le bonheur d'aimer et d'être aimée.

Ressacs, France Martineau
Les Éditions Sémaphore, Montréal, 2019, 168 pages

lundi 3 juin 2019

Les nuances torsadées de nos comportements *** 1/2

Âgée de quatre-vingts ans, elle affirme que les déboires de son existence ont dévoré la bonté innée en chaque être humain. Hier, elle a vu un film qui a bouleversé les spectateurs. Elle, elle n'a ressenti qu'un profond ennui émanant de la situation romanesque d'un couple qui se sépare. Il y a cent manières de décrire deux cœurs qui se brisent mutuellement, peut-être celle-ci n'était pas la bonne pour l'attendrir. On la console, sans trop y croire. On a lu le roman de Fanie Demeule, Roux clair naturel.

En cette époque où un peu partout dans le monde, il est question d'identité perdue, d'abandons territoriaux, de refuges hasardeux, pour échapper à la misère guerrière, à la famine dans son propre pays, nous nous heurtons, dans ce roman, à la prise de conscience de soi-même à partir d'une chevelure. Il suffit de peu pour se pencher sur ce que nous représentons face à quelques personnes qui nous font nous questionner sur d'apparentes futilités. Est-ce important d'être blonde ou brune, rousse ? De falsifier sa teinte naturelle de cheveux pour appâter un homme attiré par les femmes rousses ? Il semblerait que cela s'avère une question de survie, après avoir suivi le périple de la jeune narratrice de ce récit audacieux, préoccupée qu'elle est par ses allures de fausse rousse, essayant sans y parvenir tout à fait à rechercher la teinte nuancée qui séduirait son amoureux. La fiction se déroule sur cinq années environ, le temps de terminer le cégep, d'enseigner à l'université, d'acheter une maison, croyant prendre ainsi son amant en otage. À la décharge de celui-ci, il se plie, sans se faire prier, aux désirs de sa jeune compagne. Fausse rousseur que lui rappellent sans cesse sa mère, ses amis. Obsession qui frôle le cauchemar à la moindre remarque désobligeante sur ses cheveux. Fixation douteuse qu'elle tient de sa grand-mère qui, durant sa vie, a caché à son mari qu'elle s'était fait arracher toutes ses dents à dix-huit ans. Femmes outrancières qui se plaisent dans des situations extrêmes, la narratrice ne choisit-elle pas un « parfum idéal pour couvrir les odeurs d'ammoniaque et de peroxyde. » Elle joue au chat et à la souris avec son conjoint, profitant de ses absences pour, enfermée dans la salle de bains, briguer la couleur idéale de la chevelure des rousses, mais surtout, recouvrir ses racines, brunes, rêvant d'être une « rousse Supérieure ». Les nuances reflétées doivent concorder avec la pâleur de sa peau, se référant à des femmes momentanément célèbres, comme Lindsay Lohan. « Comme elle, je passe par toutes les palettes offertes. » Est-elle heureuse de ces cachotteries qui la minent ? Même le factice, l'artificiel, la rongent. Des ratages colorants la font courir chez la coiffeuse, sa chevelure brûlée par de malencontreux abus capillaires, casse par poignées, qu'elle réussit à camoufler sous son épaisseur.

Elle, aux attitudes rebelles, se soumet sans rechigner à la banalité de la vie quotidienne. Elle prépare les repas, fait le ménage, ramasse les feuilles mortes dans la cour, toujours avec la pensée récurrente que son conjoint se rende compte de son subterfuge. Son angoisse est si intolérable qu'elle prend rendez-vous chez une psychologue qui ne résoud aucun de ses troubles. Même dans le métro, elle repère les roux puis les fuit. Sur un coup de tête, elle organise un voyage en Écosse, sa grand-mère n'origine-t-elle pas de ce pays, cette dernière la priant de se rendre « au patelin de sa mère, dans les Highlands... » Le voyage sera périlleux, son obnubilation ne la quittant jamais. Étrangement, son compagnon semble peu inquiet de sa nervosité, elle réussit à se calmer en ayant recours à des souvenirs familiaux qui lui procurent momentanément une assurance qu'elle est incapable d'assumer auprès d'un homme qui ne jure que par la beauté des femmes rousses. Chevelure tyrannique et amour jaloux s'entremêlent, s'amalgament dangereusement, le moindre compliment la tourmente, elle se précipite dans une pharmacie pour acheter ses bouteilles de teinture. Elle doit se rendre à l'évidence, il est impossible que son compagnon qui, chaque soir, lui fait des tresses, ignore la teinte naturelle de ses repousses. Nous supposons qu'il se doute, qu'il sait, qu'il se tait. Le mensonge est trop violent à dissimuler, elle en perd le souffle, lui écrit une lettre qu'elle n'aura pas le courage de lui remettre, la lui enverra par courriel. N'affirme-t-elle pas que la fin est proche ? « Je reconnais qu'il est doux de perdre la conscience de ses malheurs, de s'abandonner au risque de tout perdre. »

On pense aux immigrants qui, se référant de nulle part, adoptent l'accueil d'un pays étranger, ne sachant trop s'ils continueront à y vivre, affirmant pour s'en convaincre que leur vie d'autrefois, sur leurs propres terres, ne compte plus. Cependant, contaminés par des réminiscences qui, brusquement, les aveuglent, comme le symbolisera la narratrice pour échapper au traquenard de la survie. Où se niche l'identité sinon dans des choses minimes, desquelles on ignorait le pouvoir. C'est un roman initiatique, certes, mais confronté aux pièges du mensonge, éveillant notre curiosité aux rapports de soi avec d'apparentes futilités. Qui croirait que la texture d'une chevelure flamboyante, risque de nous entrouvrir les portes grinçantes de la folie, la tricherie intentionnelle ne réglant aucun de nos déboires. Les origines, qu'elles appartiennent à un pays, à une chevelure, trahissent à un moment donné la conviction que nous sommes dans le vrai. Le silence, tel celui du compagnon de la narratrice, dévoilant une intrigue plus complexe que les agissements complotés de sa compagne. On a aimé que aucun soupçon de moralité ne surgisse à quelque coin de l'histoire, la romancière se tenant proche de la concision de son écriture, convenant parfaitement aux éparpillements désordonnés de sa protagoniste. La concision mais, aussi, des effets poétiques chatoyant les reflets déambulatoires de son parcours soumis à des exagérations, la chevelure devenant ainsi un personnage attractif.

Roux clair naturel, Fanie Demeule
Éditions Hamac, Québec, 2019, 155 pages